.. mémoire d'une grande soeur
Mars 2004
Au petit frère que je n'ai plus.
En moi bouillonne le reflux d’une réalité sordide, mais imprimée entre les pages du récit même de mon insignifiante existence. Rien ne saura offrir justice à l’océan inondé par le flot de larmes hargneuses tant versées devant la vision perverse de ma propre chair disparue dans le brouillard infernal d’une société insensible aux pleurs des enfants. Pourtant, l’outrance fatale n’aura raison de moi que par l'étincelle rageuse encrée en mon être comme les étoiles dans l’infini du firmament bleuté et je jure par les foudres de ma colère que les coupables périront par ma main…
L’inspiration me vint par un sordide matin d’hiver où blasée par la routine qu’impose la saison, je naviguais distraitement sur rave.ca à la recherche d’un divertissement à la hauteur du temps qui pesait contre moi. C’est alors que mon regard se posa sur la photo d’une enfant que je connaissais bien, mais que la distance qui séparait malencontreusement Montréal et Québec avait un peu effacée de ma mémoire. Le sourire dentifrice dessiné sur son visage avait attiré les commentaires flatteurs des garçons et ses yeux bouffis par la fatigue avaient disparu sous les brillants d’un fard à paupières bon marché. Je fixai quelque temps encore, les traits durcis de la bambine, cherchant en vain son enfance effacée sous les entailles des combats sanguinaires. Il ne restait rien, les rêves arrachés n’étaient plus et silencieusement, elle avait renoncé à la guerre et fermée derrière elle la porte de son enfance sans histoire.
Si le temps avait eu raison de ma naïveté insouciante et incrédule devant la méchanceté des hommes, mon cœur refusait encore la haine et la rancune soufflée par le vent des ardeurs que je gaspillais à vouloir déplacer des montagnes. Hantée par la carcasse livide et glacée d’un petit garçon qui jadis incarnait l’amour tendre, je jurai sur mon honneur de venger l’enfance qu’on lui avait dérobée sans que je n’intervienne, aveuglée par les mensonges entremêlés aux brefs moments de lueur qui émanaient du spectacle dont personne n'avait voulu m'expliquer la mise en scène.
Immuables sont les actions conjuguées au passé et s’y morfondre se résume à offrir au néant les élans du présent qui agonisent jusqu'au coucher d'un soleil indifférent au chant mélancolique qui accompagne sa lumière insolente.
Ainsi ais-je essuyée les défaites juchées sur mes paupières du revers de ma manche et décidée d’offrir aux plus faibles les outils forgés par l’héritage de ma conscience salvatrice. Au nom de nos précurseurs qui ont vu leurs jours s’éteindre avant que ne deviennent fleur les bourgeons de leur acharnement et qui ont permis par leur sacrifice et leur courage, l’espoir d’offrir aux enfants de demain, la réalisation d’un monde meilleur.
Un jour nous vaincrons.
Pour toi, ma Mathémarie. <3 |