VOYAGE EN TROIS TEMPS
Travail de création d'une image de film
(pas un vrai film là. Un film qu'on invente.) et explication de celle-ci.
Pour voir "le poster" qui va avec, cliquez sur le lien.
http://www.rave.ca/en/member_gallery_image/vee-vee...
Un temps, deux temps, trois temps, le temps qui s’étend, qui attend, qui s’éprend, qui apprend, pour emmener dans l’univers des choses importantes tout ce qui le précède. Entre les temps, les demi-mesures nous plongent dans le néant. Ceux qui s’y précipitent aveuglément perdent leur élan et tombent dans les méandres de l’infini et puis sombrent dans l’oubli...
FEAR
Tous les adolescents aux cheveux gris ont peur du noir. Les couleurs vives, c’est leur enfance épinglée au dessus du monde des grands, si bien qu’elle le couvre de son ciel rouge et on ne voit plus le gris du tout. C’est même le seul moment qui leur est donné pour vivre un petit peu. Ils ont oublié qu’ils sont vieux et hideux et ils se voient beaux quand ils ouvrent les yeux. « Il suffit de faire l’amour comme on mange, disent-ils, et le repas fini, lorsqu’il n’y a plus rien à manger, il suffit de partir en claquant la porte. »
LOVE
L’amour est une traversée. Tout ce qui l’arrête est une faute et il y a vingt façons de l’arrêter. Il suffit de laisser la peur l’interdire. La peur n’a peur de rien. Sauf de l’amour. Qui lui craint la peur. Il arrive parfois que l’amour entre dans nos corps, s’y fasse chair, y devienne plus lourd que nous-mêmes et que même le plus lourd et le plus tenace de nous-mêmes se plient devant lui. Avant l’amour, nos corps sont là, mais nous les regardons. Après l’amour, on vit, mais on ne voit plus. L’amour n’a pas existé puisqu’il n’existe plus.
DEATH
Ici, la mort est un rêve. Les adolescents aux cheveux gris ont tellement barbouillé leurs idées de couleurs que dans leur monde, plus rien n’est vraiment vrai, ni la mort, ni la vie d'ailleurs. Peut-être les ont-ils confondues? Leur départ de la vie n'est pas une tragédie, mais donne, au contraire, l'effet de s’envoler dans les bras d’un songe merveilleux. Si bien qu'on en vient à se demander si nous avons réellement existé. La mort s’inscrit là où elle est, au moment qui la précède. Rien ne survit à la mort, les souvenirs n’ont plus de visage, ils n'ont plus le goût du regret.
AVANT
Avant la mort, il y avait la vie. La vie était là, sous la forme de elle et moi, de lui, et des autres. Mais pour la cause, parlons de la vie qui est au dedans d’elle. C’est par elle que nous traverserons les trois temps et que s’inscriront par leur union, les mémoires du voyage qui mène de l’un à l’autre.
Appelons la Virginie. Disons que nous voulons qu’elle ait des cheveux bouclés et des joues rondes et très roses.
VIRGINIE
Au début de la vie (de sa vie) la petite Virginie faisait du bonheur, sa devise et sa muse et l’art des choses qui en découlait réchauffait ses journées autant que le soleil. Devant tout, elle ouvrait son cœur et ses yeux et alors sa tête imaginait tout ce qu’elle pouvait et devant tant d’idées, le cœur de Virginie s’emballait et ses yeux brillaient. Elle imaginait tant qu’elle en oubliait ses mitaines à la cafétéria et son sac de lunchs dans l’autobus, ses rendez-vous chez la professeure de piano et il lui arrivait même de s’oublier elle-même quelque part, on ne sait où! Pourtant, elle qui oubliait tout tout tout, partout partout partout, ne perdait jamais jamais jamais le chemin qui la remmenait dans le monde de ses rêves éveillés et le visage des êtres qui les peuplaient par milliers. Et lorsque la journée se terminait et qu’elle avait bien complété ses devoirs, pris son bain, embêté son petit frère, nourri ses toutous chats et regardé « Bibi et Geneviève » en mangeant des biscuits, elle reposait ses cheveux bouclés sur l’oreiller, non pour dormir, mais pour continuer ses histoires abracadabrantes avant que le sommeil ne l'emmène malgré elle...
Le bonheur était là.
Et quand il eût passé encore et que l’hiver était venu et que l’été aussi et qu’il faisait froid à nouveau et chaud une fois de plus, alors elle devenait moins petite et un tantinet moyenne et de plus en plus grande et soudain même, presque trop grande... Jusqu'au jour où elle, qui autrefois était petite comme une souris qui fouine fouine fouine, là voilà qui était maintenant grande, vraiment grande, et sa tête se perdait dans les nuages épais du ciel sombre qu’elle voyait s’approcher de son nez…
« La sagesse des vieillards, c'est une grande erreur.
Ce n'est pas plus sage qu'ils deviennent, c'est plus prudent. »
- Ernest Hemingway
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