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Title:MEMOIRE DE F. A. MESMER SUR SES DECOUVERTES
Posted On:2008-11-29 21:19:54
Posted By:» zahori_x
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MEMOIRE

DE F. A. MESMER,

DOCTEUR EN MÉDECINE,

SUR SES DECOUVERTES.

La philosophieest parvenue dans ce siècle à triompher des préjugés et de lasuperstition : c'est par le ridicule surtout qu'elle a réussi à éteindreles bûchers que le fanatisme, trop crédule, avait allumés, parce que leridicule est l'arme à laquelle l'amour-propre sait le moins résister. Sil'opinion élevait autrefois le courage jusqu'à faire braver le martyre,tan­dis qu'aujourd'hui on ne peut supporter le moindre ridicule; c'est que l'amour-propremettait alors toute sa gloire dans la force de la résistance, et qu'à présent il craindraitl'humiliation d'une crédulité qu'on taxerait de faiblesse. Le ridiculeserait sans doute le meilleur moyen de réformer les opinions, si toutefois il n'avaitque l'erreur pour objet ; mais, par un zèle exagéré pour lesprogrès de la philosophie, on abusa trop souvent de ce moyen : lesvérités les plus utiles furent méconnues, confondues avec les erreurs etsacrifiées avec elles.

Les égaremens de la superstitionn'empê­chèrent pas autrefois de reconnaître des faits surprenans,dont le défaut de lumières ne permettait pas d'apercevoir les causes ;on ne dédaignait pas de constater ces faits avec une attention proportionnéeà leur importance ; et si l'on se trompait sur les principes, onn'avait au moins aucun doute sur les effets. Aujourd'hui on se refuseà l'examen et à la vérification des faits, de sorte qu'on est ré­duità ignorer autant les effets que les causes.

Lors même que certaines vérités,en raison de leur vétusté et de l'abus de l'esprit hu­main, sont tellementdéfigurées qu'elles se trouvent confondues avec les erreurs les plus absurdes,ces vérités n'ont pas perdu pour cela le droit de reparaître au grand jour pour le bonheur des hommes; j'ose diremême que c'est une obligation pour ceux qui, par leurs connaissancesprétendent à l'estime pu­blique, de rechercher ces vérités pour les dé­gagerdes ténèbres et des préjugés qui les enveloppent encore, au lieu de seretrancher dans une incrédulité funeste aux progrès de la science.

J'ai annoncé, par le Mémoire que j'aipu­blié l'an 1779, sur la découverte du magné­tisme animal, les réflexions quej'avais faites depuis plusieurs années sur l'universalité de certaines opinionspopulaires qui, selon moi, étaient les résultats d'observations les plusgénérales et les plus constantes.

Je disais à ce sujet que jem'étais imposé la tâche de rechercher ce que les anciennes er­reurs pouvaientrenfermer d'utile et de vrai ; et j'ai cru pouvoir avancer que parmi les opi­nionsvulgaires de tous les temps, qui n'ont pas leur principe dans le cœurhumain, il en était peu, quelque ridicules et même extra­vagantesqu'elles paraissent, qui ne pussent être considérées comme le reste d'unevérité primitivement reconnue.

Mon premier objet fut de méditer surce qui pouvait avoir donné lieu à des opinions absurdes, suivantlesquelles les destinées des hommes, ainsi que les événemens de la na­ture,étaient regardés comme soumis aux constellations et aux différentes positions queles astres avaient entre eux.

Un vaste système des influencesou des rapports qui lient tous les êtres, les lois mécaniques etmême le mécanisme des lois de la nature, ont été les résultats de mes mé­ditationset de mes recherches.

J'ose me flatter que les découvertesque j'ai faites, et qui sont le sujet de cet ouvrage, reculeront les bornes denotre savoir en physique, autant que l'invention des mi­croscopes et destélescopes l'a fait par rap­port aux temps qui nous ont précédés (1). Ellesferont connaître que la conservation de l'homme, ainsi que son existence, sontfon­dées sur les lois générales de la nature; que l'homme possède despropriétés analogues à celles de l'aimant; qu'il est doué d'une sensi­bilité, par laquelle il peut être en rapport avec les êtres quil'environnent, même les plus éloignés; et qu'il est susceptible de secharger d'un ton de mouvement (2); qu'il peut, à l'instar dufeu, communiquer à d'autres corps animés et inanimés; que cemouvement peut être propagé, concentré, réfléchi comme la lumière,et communiqué par le son; qu'enfin le principe de cette action, considéré commeun agent sur la substance intime des nerfs du corps animal, peut devenir un moyen de guérir et même DESE PRÉSERVER DES MALADIES.

Je suis parvenu à reconnaîtrela cause im­médiate de l'important phénomène du mou­vement alternatifque nous offre l'Océan : je suis convaincu que l'action de cette mêmecause ne se borne pas à cet élément, mais qu'elle s'étend sur toutes lesparties consti­tutives de notre globe; que cette action, en déterminant ce quej'appelle l'intension (3) et la rémission alternatives despropriétés de la matière organisée, anime et vivifie tout ce qui existe; et qu'enfin cette action, la plus universelle, est au monde ce que les deuxactes de la respiration sont à l'économie ani­male.

Voilà en substance lesprincipales décou­vertes que j'annonce depuis vingt - cinq ans sous ladénomination de magnétisme animal, dénomination pleinement justifiée parla na­ture de la chose.

La singularité de cette nouveautérévolta d'abord enAllemagne les physiciens et les médecins, les électriseurs, et les gens quimaniaient l'aimant. On accueillit avec dédain les premières annoncesfaites par un homme encore ignoré parmi eux. On contesta la pos­sibilité des phénomènes,comme étant con­traires aux principes reçus en physique. Au lieu d'amuser lacuriosité , je m'empressai d'arriver au point de les rendre utiles, et ce nefut que par les faits que je voulus con­vaincre.

Les premières guérisonsobtenues sur quel­ques malades regardés comme incurables, suscitèrentl'envie et produisirent même l'in­gratitude , qui se réunirent pourrépandre des préventions contre ma méthode de guérir ; en sorte que beaucoup desavans se liguèrent pour faire tomber, sinon dans l'oubli, du moins dansle mépris, les ouvertures que je fis sur cet objet : on cria partout àl'impos­ture (4). EnFrance, où la nation est plus éclairée et moins indifférente pour lesnouvelles con­naissances, je n'ai pas laissé que d'éprouver des contrariétés detoute espèce, et des per­sécutions que mes compatriotes m'avaientpréparées de longue main, mais qui, loin de me décourager, ne firent que redoublermes efforts pour le triomphe des vérités que je regardais comme essentielles aubonheur des hommes.

Un grand nombre de malades qui, pen­dantdix à douze années consécutives, avaient éprouvé les effets salutairesde cette méthode, et des personnes instruites qui se livraient à cettepratique bienfaisante, me rendirent une justice entière. Mais quelquessavans de ce pays, faisant profession de gouverner l'opi­nion, se sont, pourainsi dire, coalisés avec les étrangers, pour mettre au nombre des illusionstout ce qui se présentait en faveur de cet objet : l'autorité de leur renomméefortifia la prévention.

Un ministre du règne passéabusa de toute sa puissance pour détruire l'opinion nais­sante. Aprèsavoir ordonné (malgré mes pro­testations) la formation d'une commission, pourjuger ma doctrine, et la condamner dans la pratique qu'en faisait une personneque je désavouais, il fit célébrer son triomphe à l'académie dessciences, où il fut flagorné pour les avoir préservées, disait-on, d'une grande erreur qui faisait la honte dusiècle. Il inonda l'Europe entière d'un rapport fait par cettecommission, et finit par livrer à la dérision publique, sur lesthéâtres, et ma doctrine et ma méthode de guérir.

La grande nation à laquelle jeconsacre le fruit de mes découvertes continuerait - elle de voir avecindifférence qu'on soit parvenu à lui ravir, par de basses intrigues,l'opinion consolante d'avoir acquis un moyen nouveau de conserver et derétablir la santé ? non, elle s'empressera de revenir de son erreur sur unobjet si essentiel au bonheur de l'huma­nité (5).

En effet on aura de la peine àcroire que vingt-cinq années d'efforts n'aient pas pu dégager ces précieusesdécouvertes de l’incertitude dans laquelle elles furent envelop­pées par lescirconstances. Faudra-til laisser s'écouler ce siècle, sans avancer d'unpas en physique, et rester stationnaire sur l'électri­cité et l'aimant ?Chercherait-on encore à se réunir pour s'opposer à une révolutionque je voulais opérer dans l'art qui a fait le moins de progrès, etpourtant le plus nécessaire aux hommes(6)?

On verra, j'ose le croire, que cesdécouvertes ne sont pas une rencontre du hasard, mais le résultat de l'étude etde l'observation des lois de la nature; que la pratique que j'enseigne n'estpas un empirisme aveugle, mais une méthode raisonnée.

Quoique je sache très-bien quele premier principe de toute reconnaissance humaine est l'expérience, et quec'est par elle qu'on peut constater la réalité des suppositions, je me suisoccupé à prouver d'avance par un enchaînement de notions simples etclaires, la possibilité des faits que j'ai annoncés, et dont un grand nombre aété publié sous différentes formes, par ceux qui ont su profiter de madoctrine.

Les phénomènes que j'avaissurpris à la nature m'ont fait remonter à la source com­mune detoutes choses, et je crois avoir ou­vert une route simple et droite pour arriverà la vérité, et avoir dégagé en grande partie l'é­tude de la nature desillusions de la méta­physique (7).

La langue de convention, le seul moyendont nous nous servons pour communiquer nos idées, a, dans tous les temps,contribué à défigurer nos connaissances. Nous acqué rons toutesles idées par les sens : les sens ne nous transmettent que celles despropriétés, des caractères, des accidens, des attributs: les idées detoutes ces sensations s'expriment par un adjectif ou épithète, commechaud, froid, fluide, solide, pesant, léger, luisant, sonore, coloré, etc. Onsubstitua à ces épi-thètes, pour la commodité de la langue, dessubstantifs : bientôt on substantifia les pro­priétés; on dit, la chaleur, lagravité, la lu­mière, le son, la couleur, et voilà l'origine desabstractions métaphysiques.

Ces mots représentèrentconfusément des idées de substances, c'est-à-dire qu'on avait l'idéed'une substance, lorsqu'on n'eut en effet que l'idée du mot substantif; cesqualités occultes d'autrefois, aujourd'hui s'appellent les propriétés descorps. A mesure qu'on s'éloignait de l'expérience, ou plutôt avant d'avoir desmoyens d'y parvenir, non seule­ment on multiplia ces substances, mais en­coreon les personnifia. Des substances rem­plissaient tous les espaces,: ellesprésidaient et dirigeaient les opérations de la nature : de là lesesprits, les divinités, les démons, les génies, les archées, etc. Laphilosophie expérimen­tale en a diminué le nombre; mais il nous reste encorebeaucoup à faire pour arriver à la pureté de la vérité. Nous yserons, lorsque nous serons parvenus à ne reconnaître d'autre substancephysique que le corps, ou la matière organisée et modifiée detelle ou telle manière. Il s'agit donc de connaître et de déterminerle mécanisme de ces modifications, et les idées qui résulteront de cemécanisme aper­çu , seront des idées physiques les plus con­formesà la vérité. C'est, en général, le but que je me propose d'atteindre parle système des influences dont je fais ici l'annonce(8).

« Une aiguille non-aimantée, mise enmou­vement, ne répondra que par hasard à une directiondéterminée; tandis qu'au contraire celle qui est aimantée , ayant reçu lamême impulsion, après différentes oscillations proportionnéesà cette impulsion et au magnétisme qu'elle a reçu, retrouvera sapremière direction et s'y fixera : c'est ainsi que l'harmonie des corpsorganisés, une fois troublée, doit éprouver les incertitudes de mapremière supposition, si elle n'est rappelée et déterminée par l'agentgénéral, dont je vais développer l'existence, et qui seul peut rétablircette harmonie dans l'état naturel (9)».

Examinons donc quelle est la nature decet agent ?

«il existe un fluide universellementrépandu, et continué de manière à ne souffrir aucun vide, dont lasubtilité ne permet aucune comparaison, et qui de sa nature est susceptible derecevoir, propager et communiquer toutes les impressions du mouvement (10) ».

L'état de fluidité de lamatière étant un état relatif entre le mouvement et le repos, il estévident qu'après avoir épuisé par l'ima­gination toutes les nuances defluidité possi­bles, on sera forcé de s'arrêter au dernier degré desubdivision ; et ce dernier degré est ce fluide qui remplit tous lesinterstices ré­sultans des figures des molécules plus combi­nées. Le sable, parexemple, a un degré de fluidité ; la figure de ses grains forme néces­sairementdes interstices qui peuvent être occupés par l'eau; ceux de l'eau leseront par l'air; ceux de l'air par ce qu'on appelle l'éther; ceux de l'étherenfin seront comblés par une substance encore plus fluide, et dont nous n'avonspas fixé la dénomination. Il est dif­ficile de déterminer où cettedivisibilité finit. C'est cependant d'une de ces séries de la ma­tièrela plus divisée par le mouvement intes­tin , que je veux parler ici.

Ou pourrait comparer, si je puism'expri­mer ainsi, l'opiniâtreté de quelques savans à rejeter l'idéed'un fluide universel et la pos­sibilité d'un mouvement dans le plein,à celle des poissons, qui s'élèveraient contre celui d'entre euxqui leur annoncerait que l'espace entre le fond et la surface de la mer estrempli d'un fluide qu'ils habitent ; que ce n'est qu'en ce milieu qu'ils serapprochent, qu'ils s'éloignent, qu'ils se communiquent, qu'ils s'enchaînent,et qu'il est le seul moyen de leurs relations réciproques.

Cependant quelques physiciens sont par­venusà reconnaître l'existence d'un fluide universel; mais à peineeurent-ils fait ce premier pas, qu'entraînés au-delà du vrai, ils ontprétendu caractériser ce fluide, le surcharger de propriétés et de vertus spéci­fiques, en lui attribuant des qualités, des puis­sances , des tendances, des vues,des causes finales; enfin des puissances conservatrices, productrices,destructrices, réformatrices.

La vérité n'est que sur une lignetracée entre les erreurs. L'esprit humain, par son activité inquiète,est comme un cheval fou­gueux : il est également difficile de mesurer avecjustesse l'élan qu'il lui faut pour attein­dre cette ligne, sans courir risquede la dé­passer, et de s'y contenir long-tems, de ma­nière àn'avancer ni à reculer ses pas.

Il n'est donc pas permis de douter del'existence d'un fluide universel, qui n'est que l'ensemble de toutes lesséries de la matière la plus divisée par le mouvement intestin (11)En cet état, il remplit les inter­stices de tous les fluides, ainsi que de tousles solides contenus dans l'espace. Par lui, l'univers est fondu et réduit enune seule masse. La fluidité constitue son essence. N'ayant aucune propriété,il n'est ni élas­tique ni pesant, mais il est le moyen propre àdéterminer des propriétés dans tous les ordres de la matière qui setrouve plus com­posée qu'il ne Test lui-même. Ce fluide est àl'égard des propriétés qu'il détermine dans les corps organiques, ce que l'air(12) est au son et à l'harmonie, ou l'éther à la lumière,ou enfin l'eau au moulin; c'est-à-dire, qu'il reçoit les impressions,les modifications du mouvement, qu'il les transmet, qu'il les trans­fère,qu'il les applique et les insinue dans les corps organisés; et les effets ainsiproduits ne sont que le résultat combiné du mouvement et de l'organisation descorps.

Il faut considérer ici que lesdiverses séries dont l'Océan du fluide est composé, à partir de lamatière élémentaire jusqu'à celles qui tombent sous nos sens,comme l'eau, l'air et l'éther, différent entre elles par une sorted'organisation intime, effet de la combinaison primitive de leurs molécules.Cette organisa­tion spéciale rend chacune de ces séries sus­ceptible d'unmouvement particulier qui lui est propre.

Nous observons la gradation de cettesus­ceptibilité exclusive de mouvemens dans les trois genres de fluides. Il enest de la lu­mière, du feu, de l'électricité et du magné­tisme comme duson; aucuns ne sont point des substances, mais bien des effets du mou­vementdans les diverses séries du fluide universel.

Il sera démontré par ma théorie des in­fluencescomment ce fluide, cette matière subtile, sans être pesante,détermine l'effet que nous appelons gravité; comment sans êtreélastique, il concourt à l'élasticité; com­ment en remplissant tous lesespaces, il opère la cohésion, sans être lui-même en cetétat. Je démontrerai de même que l'attraction est un mot vide de sens,que l'attraction n'existe pas dans la nature, qu'elle n'est qu'un effet apparentd'une cause qu'on n'aperçoit pas. J'établirai aussi en quoi consistel'électricité, le feu, la lumière, etc. Je prouverai, en un mot que toutesles propriétés sont le résultat combiné de l'organisation des corps et dumouvement du fluide dans lequel ils sont plongés.

On comprendra avant tout comment uneimpulsion une fois donnée sur la matière a dûsuffire au développement successif de toutes les possibilités, comment lesimpul­sions particulières, qui n'en sont que la con­tinuité , deviennentl'origine de nouvelles organisations ; comment le mouvement est la cause durepos, et le repos à son tour accé­lère le mouvement de lamatière fluide pour opérer d'autres combinaisons. On verra enfin quec'est par la simplicité de l'ordre, dans un cercle perpétuel entre les causeset les effets, que nous pouvons avoir la plus juste comme la plus grande idéede la nature et de son au­teur (13).

On pourrait ajouter à cesconsidérations, que l'immensité de la matière fluide serait restéehomogène, sans produire de nouveaux êtres, si le hazard despremières combinai­sons n'eût pas déterminé des courans, dont lescélérités variées et modifiées sont devenues une source infinie d'organisationset des effets qui en résultent.

En remontant ainsi par une marchesimple aux plus grandes opérations de la nature, ou reconnaît que le magnétismeou l'influence mutuelle, est l'action la plus universelle; et que c'est l'aimantqui nous offre le modèle du mécanisme de l'univers; que cette actionn'est que l'effet nécessaire du mouvement dans le plein.

Comme toutes les vérités se tiennent,il est impossible de faire des progrès dans l'étude de la nature, sansavoir embrassé l'enchaîne­ment de ses principes ; c'est pourquoi j'ai crunécessaire d'eu exposer le système, dont Je corps humain fait partie intégrante,avant de proposer des moyens conservateurs : car les lois par lesquellesl'univers est gouverné, sont les mêmes que celles qui règlentl'économie animale. La vie du monde n'est qu'une, et celle de l'hommeindividuel en est une par­ticule.

Toutes les propriétés des corps, je lerépète, sont le résultat combiné de leur organisation et du mouvement dufluide dans lequel ils se trouvent.

Si l'on considère l'action dece fluide ainsi défini, comme appliquée au corps animal, elle y devient leprincipe du mouvement et des sensations.

Il est certain que la nature et laqualité des humeurs de l'homme dépendent unique­ment de l'action des solides,du mécanisme des organes ou viscères, et des vaisseaux qui contiennentces humeurs; ce sont eux qui les élaborent, en dirigent et règlent les mouve­mens,les mélanges, les proportions, les sé­crétions , les excrétions, etc. Il estaisé de concevoir que ce n'est que dans l'irrégularité de l'action des solidessur les liquides, ou dans l'imperfection du mécanisme ou du jeu desviscères et des organes, qu'existe la pre­mière cause de toutesles aberrations; et que conséquemment le remède commun et unique doit setrouver dans le rétablissement de l'ac­tion des organes, qui seuls peuventchanger et corriger les vices et les altérations des hu­meurs. C'est ici le casd'examiner quel est le principe du mouvement, et le ressort com­mun desdifférentes machines agissant sur les liquides.

C'est la fibre musculaire, quipar son mé­canisme particulier, devient, comme je puis le prouver, l'instrumentde tout mouvement, comme le principe de toute action des solides sur lesliquides. Les courans du fluide uni­versel étant dirigés et appliqués àl'organisa­tion intime de la fibre musculaire, précisé­ment comme le vent oul'eau le sont au mou­lin, en déterminent les fonctions. Ces fonctions consistent dans l'alternative de seraccourcir et de s'alonger, ou de se relâcher ; se raccour­cir est proprementson action positive : cette faculté est appelée irritabilité.

C'est à cette faculté,appliquée au méca­nisme particulier du cœur, que nous devons le mouvementde systole et diastole de ce viscère hydraulique et de toutes lesartères.

Le jeu de la dilatation et de lacontraction des vaisseaux sur la liqueur qu'ils contiennent, est la cause de lacirculation des humeurs, et conséquemment de la vie animale. Le défaut de Tunede ces deux actions ou de la réaction en arrête le cours. Aussitôt queles humeurs sont privées du mouvement local et intestin, elles s'épaississentet se consolident. Cet épais-sissement ou repos s'étend en se communi­quantà une partie plus ou moins considérable des canaux. Un autre effet durepos des hu­meurs est leur dégénérescence : en se décom­posant, elless'arrêtent dans les canaux dont la capacité n'est pas propre à lescontenir. L'état des vaisseaux dans lesquels le cours des humeurs estarrêté ou rallenti, est nommé obstruction.

La fibre musculaire animée par le prin­cipede l'irritabilité, est encore susceptible d'une affection externe, qui estappelée irri­tation (14). L'effet ordinaire de cet affection est leraccourcissement de la fibre.

Toute action de la libre musculairepeut être considérée comme dépendante, soit de l'irritabilité, soit del'irritation, soit de l'une et de l'autre ensemble. Il existe par consé­quentdeux causes immédiates d'obstructions : La première, lorsqu'un vaisseaua perdu de son irritabilité, ce qui le met dans l'impuis­sance de se contracter; la seconde, lorsqu'un vaisseau est dans un état d'irritation, ou qu'il setrouve quelque obstacle a sa dilatation. Ainsi dans les deux cas, lesconditions né­cessaires pour le jeu alternatif des vaisseaux sont contrariées,et leur action arrêtée.

Sans entrer dans les détails de cetteaber­ration , qui est la plus générale et presque la seule dans le corpsvivant, il est aisé de concevoir, d'après une loi générale, que la causedu mouvement fait toujours un effort contre la résistance, et qu'il doit luiêtre proportionné pour la vaincre. Cet effort est appelé crise, ettous les effets qui résultent directement de cet effort, sont appelés lessymptômes critiques : ils sont les véritables moyens de guérison, ou ce quiforme la cure de la nature ; tandis qu'au contraire les effets provenantde la résistance contre cet effort de la nature, sont dits les symptômes sym­ptomatiques,et forment ce qu'on doit appeler la maladie.

La crise est déterminée parl'irritation de la libre, laquelle est occasionnée, soit par l'in­tension del'irritabilité, soit par un effort aug­menté sur la fibre résistante, soit enfinpar la réunion de ces deux causes.

Il est donc constant et conforme auxlois du mouvement, qu'aucune aberration dans le corps animal ne peut serectifier sans avoir éprouvé les effets de cet effort; c'est-à-dire,qu'aucune maladie ne peut être guérie sans une crise. Cette loi est sivraie et si générale, que d'après l'expérience et l'observation, la pluslégère pustule, le plus petit bouton sur la peau, ne se guérissentqu'après une crise. Les différentes formes sous lesquelles l'ef­fort dela nature se manifeste dépendent de la diversité dans la structure desparties orga­niques ou des viscères qui subissent cet ef­fort, de leurscorrespondances et rapports, selon les divers degrés et modes de résistance, dupériode de leur développement.

Pour avoir peu connu le mécanisme ducorps animal, et moins encore comment, par ce mécanisme, il tient àl'organisation de toute la nature, les anciens ont regardé cha­que genre de cesefforts comme autant d'es­pèces de maladies. Dès la naissance dela médecine, on s'est opposé au vrai et au seul moyen employé par la naturepour détruire les causes qui troublaient l'harmonie.

Hippocrate paraît avoir 'été lepremier et presque le seul qui ait saisi le phénomène des crises dansles maladies aiguës. Son génie observateur l'avait conduit à reconnaîtreque les divers symptômes n'étaient que les mo­difications des efforts que lanature faisait contre ces maladies. Après lui, lorsqu'on ob­serva lesmêmes symptômes dans les maladies chroniques, plus éloignées de la cause,iso­lées, sans fièvre continue, on substantifia ces accidens, on en fitautant de maladies, et onles caractérisa chacune par un nom; on étudia, on analysa ces accidens et leurssymptômes comme des choses : on prit même pour indicateur lessensations du malade. Et voilà la source des erreurs qui désolent l'hu­manitédepuis tant de siècles.

Hippocrate, par les symptômes les plusopposés en apparence, au lieu d'être décon­certé, pronostiquait laguérison; son assu­rance était fondée sur l'observation de la marche périodiquedes jours, qu'il appelait critiques. Il sentait confusément qu'ilexistait un principe externe et général, dont l'action était régulière;et que c'était ce principe qui développait et décidait la complication descauses qui forment la maladie.

Ce que le père de la médecineobservait ainsi, et ce que d'autres après lui jusqu'ici ont appelé lanature, n'était que les effets de ce principe que j'ai reconnu et dont j'aiannoncé l'existence, principe qui détermine sur nous cette espèce deflux, et reflux ou intention et rémission des propriétés.

Il est à regretter que lalumière qu'il jeta sur l'art de guérir se soit bornée aux maladies aiguës : il aurait pu reconnaître queles mala­dies chroniques ne diffèrent des autres que par la continuitéet la rapidité avec laquelle les symptômes se succèdent. Les maladiesaiguës sont à l'égard des chroniques ce que le cours de la vie d'uninsecte, qu'on nomme éphémère, est au cours de là vie desautres animaux : le premier subit dans les vingt-quatre heures toutes lesrévolutions de l'âge, du sexe, de l'accroissement et du dépérisse­ment ,lorsque les autres espèces d'animaux emploient des années pour parcourircette carrière.

D'ailleurs, on a lieu de regretter quela mé­decine ignore encore le développement natu­rel et nécessaire de laplupart des maladies chroniques : c'est en s'y opposant par des remèdes,qu'elle en trouble la marche, en arrête le cours, et très-souventen avance le terme par une mort prématurée. La marche et le développement del'épilepsie, par exem­ple, ainsi que de la manie, de la mélancolie, desmaladies dites de nerfs, des engorgemens des glandes, de leurs complications,des affec­tions des organes des sens, sont encore inconnus; et c'estprincipalement dans ces divers états qu'on confond la crise avec la maladie.

Les causes immédiates de toutes lesmala­dies, internes ou externes, supposent le dé­faut ou l'irrégularité de lacirculation des humeurs ou des obstructions de différens ordres devaisseaux : cet état étant, comme on Ta fait remarquer, le résultat du défautde l'irritabilité ou de l'action des solides sur les humeurs qu'ilscontiennent, on comprendra enfin, qu'au lieu de recourir par un choix vague etincertain, aux spécifiques et aux drogues innombrables assorties par la théoriedes humeurs; on n'a, dans tous les cas, que deux indications à remplir ;savoir : 1° de rétablir l'irritabilité ou l'action des solides sur lesliquides : 2° d'empêcher et prévenir les obstacles qui peuvent s'yopposer.

Il est prouvé par le systèmedes influences, et il est constaté par l'observation exacte et assidue, que lesgrands corps appelés célestes, gouvernent les mouvemens partiels denotre globe : les alternatives du flux et reflux , (effet commun àtoutes ses parties constitu­tives,) la végétation, les fermentations, les organisations, les révolutionsgénérales et particulières dont il est susceptible, sont na­turellementdéterminées par cette influence qui au moyen de la continuité d'un fluideuniversel, produit augmentation et diminu­tion de toutes les propriétés descorps, comme nous le voyons distinctement dans le déve­loppement et leralentissement de la végéta­tion.

C'est ainsi, et par les mêmescauses que l'irritabilité est naturellement augmentée ou diminuée ; en sorteque le cours et le déve­loppement dans les maladies, et même leurguérison, que Ton attribuait vaguement à la nature, sont réglés etdéterminés par cette influence ou par ce que j'appelle magnétisme naturel.

Mais comme cette opération de lanature, quoique générale, ne peut devenir utile qu'aux êtres qui y sontparticulièrement dis­posés ; il me restait à découvrir età reconnaî­tre les lois et le mécanisme intime des procé­dés de lanature, afin de savoir l'imiter et d'en faire l'application renforcée etgraduée, dans les cas individuels, dans tous les temps et dans toutes les situationsoù l'homme se trouve.

Je crois avoir surpris à lanature ce méca­nisme des influences, qui, comme je l'expli­querai, consistedans une sorte de versement réciproque et alternatif des courans entranset sortans, d'un fluide subtil, remplissant l'espace entre deux corps. Lanécessité de ce versement est fondée sur la loi du plein ; c'est-à-direque dans l'espace rempli de ma­tière, il ne peut se faire un déplacementsans remplacement, ce qui suppose que si un mouvement de la matièresubtile est provo­qué dans un corps, il se produit aussitôt un mouvementsemblable dans un autre suscep­tible de la recevoir, quelle que soit ladistance entre les corps. Cette sorte de circulation est capable d'exciter et derenforcer en eux les propriétés analogues à leur organisation, ce qui seconcevra facilement en réfléchissant sur la continuité de la matièréfluide, et sur son extrême mobilité toujours égale à sa sub­tilité: l'aimant, l'électricité, comme aussi le feu, nous offrent les modèleset les exemples de cette loi universelle.

J'ai reconnu , que quoiqu'il existâtune influence générale entre les corps, il est néanmoins des modes, des tonsparticuliers et divers, des mouvemens par lesquels cette influence peut s'effectuer.

Comme le feu, par un mouvement toni­que(15) déterminé, diffère de la chaleur, ainsi le magnétisme, dit animal,diffère du magné­tisme naturel : la chaleur est dans la nature; sansêtre feu, elle consiste dans le mouve­ment intestin d'unematière subtile. Elle est générale, tandis que le feu est un produit del'art ou de certaines conditions. Le feu produit presqu'à l'instant, etdans la plupart des circonstances, les effets qu'on n'obtient de la chaleur quepar la durée du temps, et avec le concours des causes particulières. Etvoilà comment le magnétisme naturel diffère du magnétisme animaldont il s'agit ici. Les expérienceset les sensations des malades, confirment d'une manière incontestablecette théorie.

L'action la plus immédiate du magnétismeou de l'influence de ce fluide, est de ranimer et de renforcer l'action de lafibre muscu­laire par un mouvement accéléré, tonique et analogue à lapartie organique à laquelle elle appartient. Mille observations ontprouvé que l'application de ce moyen développe le cours des maladies ;c'est-à-dire, qu'après un combat plus ou moins décisif entre lesefforts et la résistance, il détermine, règle et accé­lèrel'ordre et la marche dans lesquels les causes et les effets sesuccèdent, afin d'opérer le rétablissement de la santé, en provoquant,dans tous les cas, d'une manière sûre, les crises et leurseffets relatifs.

Le magnétisme animal, considéré commeun agent, est donc effectivement un feu invi­sible ; il s'agit :

1° De savoir provoquer et entretenir partous les moyens possibles ce feu et d'en faire l'application.

2° De connaîtreet lever les obstacles qui peuventtroubler ou empêcher son action , et l'effet gradué qu'on chercheà obtenir clans le traitement.

3° De connaître et de prévoir lamarche de leur développement pour en régler et en attendre avec fermeté lecours jusqu'à la guérison.

Voilà à quoi se réduitgénéralement la dé­couverte du magnétisme animal, considéré comme moyen depréserver des maladies et de les guérir.

Il est prouvé par la raison etconstaté par l'expérience continuelle, que ce feu peut être concentré etconservé; que l'eau, les ani­maux , les arbres et tous les végétaux (16), ainsique les minéraux, sont susceptibles d'en être chargés.

D'après tout ce qui vientd'être dit jus­qu'ici , on s'attend sans doute à des explica­tionssur la manière d'appliquer le magné­tisme animal, et de le rendre unmoyen curatif efficace; mais comme indépendam­ment de la théorie, cettenouvelle méthode de guérir exige indispensablement une in­struction pratique etsuivie, je n'ai pas cru devoir donner ici la description, ni de cette pratique,ni de l'appareil et des machines de différentes espèces, ni des procédésdont je me suis servi avec succès, parce que chacun, en conséquence de soninstruction, s'appli­quera à les étudier, et apprendra de lui-mêmeà les varier et à les accommoder aux circonstances et auxdiverses situations du malade. C'est l'empirisme ou l'application aveugle demes procédés, qui a donné lieu aux préventions et aux critiques indiscrètes qu'on s'est permises contre cettenouvelle méthode. Ces procédés, s'ils n'étaient pas rai-sonnés, paraîtraientcomme des grimaces aussi absurdes que ridicules, auxquelles il serait en effetimpossible d'ajouter foi. Dé­terminés et prescrits d'une manièrepositive, ils deviendraient, par une observance trop scrupuleuse, le sujetd'une superstition ; et j'oserais dire qu'une grande partie des céré­moniesreligieuses de l'antiquité paraissent être des restes de cet empirisme.Tous ceux d'ailleurs qui ont voulu s'assurer par leur propre expérience, de laréalité du magné­tisme, en le pratiquant sans en connaître les principes, sesont trouvés repoussés faute d'avoir obtenu le succès qu'ilsattendaient; s'imaginant que les effets devaient être le résultatimmédiat des procédés, comme ceux de l'électricité ou des opérations chimiques(17). Enconsidérant que l'influence réciproque est générale entre les corps; que l'aimantnous représentele modèle de cette loi universelle, et que le corps animal est susceptiblede pro­priétés analogues à celles de l'aimant; je crois assez justifierla dénomination de magnétisme animal, que j'ai adoptée pour désignertant le système ou la doctrine des influences en général, que ladite propriété du corpsanimal, ainsi que le remède et la méthode de guérir.

Cela peut suffire pour démontrer qu'onne doit pas confondre le magnétisme avec les phénomènes qui ont pudonner lieu à ce qu'on veut appeler l'électricité animale.

Je vois avec regret qu'on abuselégèrement de cette dénomination : dès qu'on s'est fami­liariséavec le mot magnétisme, on se flatte d'avoir l'idée de la chose, tandisqu'on n'a que l'idée du mot.

Tant que mes découvertes ont été misesau rang des chimères, l'incrédulité de quelques savans me laissait toutela gloire de l'inven­tion - mais depuis, qu'ils ont été forcés d'en reconnaîtrel'existence, ils ont affecté de m'opposer les ouvrages de l'antiquité,où se trouvent les mots fluide universel, magnétisme, influence ,etc. Ce n'est pas des mots qu'il s'agit, c'est de la chose, et surtoutde l'utilité de son application.

On trouvera dans le corps de madoctrine, que l'homme, comme objet principal de notre contemplation dans lanature, peut être con­sidéré en raison des parties constitutives de son mécanisme, et en raison de saconserva­tion. Sous le premier rapport, on comprend les instrumens du mouvementet des sensa­tions, qui déterminent les fonctions et les facultés ; j'ai donnéà cet égard mes idées sur les nerfs, la fibre musculaire,l'irritabilité, les sens, etc.

Sous le point de vue de laconservation, l'homme est considéré dans les divers états où il parcourtla carrière de son existence : comme dans l'état de sommeil, oùil com­mence à exister ; ensuite dans l'état de veille, où ilfait usage de ses sens, et continue d'exister, mais en relation avec les autresêtres qui l'environnent; enfin dans l'état de santé et de maladie.

La vie de tous les êtres dansl'univers n'est qu'une : elle consiste dans le mouvement de la matièrela plus déliée. La mort est le repos, ou la cessation du mouvement. On verraque la marche naturelle et inévitable, est de passer de l'état de fluiditéà celui de solidité: que le terme naturel de la vie de l'homme estdéterminé et fixé par son organisation et sa vie même; que la maladiepeut rapprocher ce terme,en empêchant le mouvement et en avançant la consolidation. Il s'agit icide con­naître les moyens de retarder ce terme fatal.

L'homme est doué de la faculté desentir. C'est par les sensations et leurs effets, qu'il existe en rapport avecd'autres matières et avec les êtres qui se trouvent hors de lui.La di­versité des organes appelés les sens le rend susceptibled'éprouver les effets des différentes matières dont il est environné. Leprincipe qui l'anime et qui le rend actif est déterminé par les sensations ; ettoutes les actions sont des résultats des sensations.

Indépendamment des organes connus,nous avons encore d'autres organes propres à recevoir des sensations ;nous ne nous dou­tons pas de leur existence, à cause de l'habi­tudeprédominante où nous sommes de nous servir des premiers, d'unemanière plus appa­rente, et parce que des impressions fortes, auxquellesnous sommes accoutumés dès le premier âge, absorbent des impressionsplus délicates, et ne nous permettent pas de les apercevoir.

D'après les expériences et lesobservations faites,il y a de fortes raisons pour croire que nous sommes doues d'un sens intérieurqui est en relation avec l'ensemble de l'univers, et qui pourraitêtre considéré comme une extension de la vue.

S'il est possible d'être affectéde manière à avoir l'idée d'un être à une distanceinfinie, ainsi que nous voyons les étoiles dont l'im­pression nous esttransmise en ligne droite, par la sensation et la continuité d'unematière co-existante entre elles et nos organes ; ne se­rait-il paségalement possible qu'au moyen d'un organe interne, par lequel nous sommes encontact avec tout l'univers, nous fussions affectés par des êtres dont lemouvement suc­cessif serait propagé jusqu'à nous en ligne courbe ouoblique, en un mot, dans une di­rection quelconque ? S'il est vrai, commej'essayerai de le prouver, que nous soyons affectés par l'enchaînement desêtres et des événemens qui se succèdent, on comprendra lapossibilité des pressentimens et d'autres phénomènes, tels que lesprédictions, les prophéties, les oracles des sybilles, etc.

D'après ma théorie sur les crises,c'est en observantavec plus d'attention le développe­ment aussi négligé que contrarié desmaladies chroniques, que j'ai reconnu le phénomène d'un sommeilcritique, dont les modifications infiniment variées se sont montrées assezsouvent à mes yeux, pour ouvrir une nou­velle carrière àmes observations sur la nature et les propriétés de l'homme.

Le sommeil de l'homme n'est pas unétat négatif ou la simple absence de la veille : des modifications de cet étatm'ont appris que les facultés dans l'homme endormi, non-seule­ment ne sont passuspendues, mais qu'elles agissent souvent avec plus de perfection quelorsqu'il est éveillé. On observe que certaines personnes endormies, marchent,se condui­sent et produisent les actes les mieux combi­nés , avec la mêmeréflexion, la même atten­tion, et autant d'exactitude que si ellesétaient éveillées. On est encore plus surpris de voir les facultés qu'on nomme intellectuelles,être portées à un tel degré, qu'elles surpassent in­finimentcelles qui sont les plus cultivées dans l'état ordinaire.

Dans cet état de crise, cesêtres peuvent prévoirl'avenir, et se rendre présent le passé le plus reculé. Leurs sens peuvents'étendre à toutes les distances et dans toutes les direc­tions, sansêtre arrêtés par aucun obstacle. Il semble enfin que toute lanature leur soit présente. La volonté même leur est commu­niquéeindépendamment de tous les moyens de convention. Ces facultés varient dans cha­queindividu ; le phénomène le plus commun est de voir l'intérieur de leurcorps, et même celui des autres, et de juger avec la plus grandeexactitude les maladies, leur marche, les re­mèdes nécessaires et leurseffets. Mais il est rare de voir toutes ces facultés réunies dans le mêmeindividu (18). Monintention n'est pas d'entrer ici dans le détail des faits multipliés queprésente l'histoire, qu'une longue expérience m'a per­sonnellement fournis, etqui se renouvellent chaque jour sous les yeux de ceux qui font usage de mesprincipes; j'ai voulu seulement donner une idée sommaire et précise desphénomènes sans nombre que la nature de l'homme ne cesse d'offrirà l'observateur at­tentif. Quelques-uns de ces faits ont été connus detous temps sous diverses dénominations, et particulierement sous celle desomnambulisme: quelques autres ont été entièrement négligés;d'autres enfin ont été soigneusement cachés.

Ce qui est certain, c'est que cesphéno­mènes, aussi anciens que les infirmités des hommes, ont toujoursétonné et le plus sou­vent égaré l'esprit humain : la disposition que celui-cimanifeste sans cesse à regarder comme des substances les modificationsdont il n'entrevoit pas le mécanisme, le portent également à attribuerà des esprits ou à des principes surnaturels des effets dont soninexpérience l'empêche de démêler les vraies causes : selon qu'ilsétaient heureux ou funestes, d'après les apparences, ils ont caracté­riséces principes comme bons ou mauvais; et selon qu'ils déterminaient l'espéranceou la crainte, la superstition et l'ignorante crédu­lité les rendaienttour-à-tour sacrés ou crimi­nels. Ils ne servirent que trop souventà pro­voquer de grandes révolutions; la charlata­nerie politique etreligieuse des différens peu­ples y puisa ses ressources et ses moyens.

En observant ces phénomènes, enréflé­chissant sur la facilité avec laquelle les erreurs naissent, semultiplient et se succèdent, per­sonne ne pourra méconnaître la sourcedes opinions sur les oracles, les inspirations, les sybilles, les prophéties,les divinations, les sortilèges, la magie, la démonurgie des an­ciens ;et de nos jours, sur les possessions et les convulsions (19).

Quoique ces différentes opinionsparaissent aussi absurdes qu'extravagantes, elles ne por­tent pastout-à-fait sur des chimères ; tout n'y est point prestige ;elles sont souvent les ré­sultats de l'observation de certains phéno­mènesde la nature, qui, faute de lumière ou de bonne foi, ont étésuccessivement défigurés; enveloppés ou mystérieusement cachés. Je puis prouveraujourd'hui que ce qu'il y a tou­jours eu de vrai dans les faits dont ils'agit, doit être rapporté à la même cause, et qu'ils nedoivent être considérés que comme autant de modifications de l'état appelé somnambu­lisme.

Depuis que ma méthode de traiter etd'ob­server les maladies a été mise en pratique dans les différentes parties dela France, plu­sieurs personnes, soit par un zèle imprudent, soit parune vanité déplacée, et sans égard pour les réserves et les précautions quej'avais jugées nécessaires, ont donné une publicité prématurée aux effets etsurtout à l'explica­tion de ce sommeil critique ; je n'ignore pas qu'ilen est résulté des abus, et je vois avec douleur les anciens préjugés revenirà grands pas.

Nous ayons encore présentes lespersécu­tions que le fanatisme trop crédule exerça, dans les siècles del'ignorance, sur les per­sonnes qui avaient le malheur de devenir les sujets deces prodiges, ou qui en étaient les ministres. Il est de même àcraindre qu'ils ne soient aujourd'hui victimes du fanatisme de l'incrédulité; ou ne les punira pas comme idolâtres ou sacrilèges; mais on lestraitera peut-être comme des imposteurs et pertur­bateurs du repospublic.

Comme l'ignorance est, dans toutes lessup­positions, la source des injustices et du mal moral, j'ai cru nécessaire deproduire mes pensées sur la nature d'un phénomène si propre ànous égarer, et qui, quoique tou­jours sous nos yeux, a constamment été mé­connu(20).

A l'égard des effets du magnétisme animal,et notamment du sommeil critique, qui est un des phénomènes les plusfrappans de son application, la société, en France, peutêtre divisée en trois classes.

Dans la première sont ceux quiignorent absolument tous les faits relatifs à ce phéno­mène,ou qui, soit par indifférence, soit par un intérêt mal entendu,s'obstinent à fermer les yeux sur tout ce que l'histoire et l'obser­vationleur présentent. Ce serait vouloir ex­pliquer les couleurs aux aveugles-nés,que d'entreprendre l'instruction de ceux-là.

Je vois dans la seconde classe ceuxqui, après avoir pris une exacte connaissance de mes principes, les ontmédités, ou en ont fait usage, et en obtiennent chaque jour la con­firmationpar leur propre expérience : je ne puis que les inviter à la persévérance,et j'ai -la confiance que cet écrit ajoutera quelque chose à leurslumières.

Je comprends enfin, dans latroisième classe, ceux qui, par des observations constantes etmultipliées, se sont assurés de la réalité des faits; mais qui, ne pouvant en expliquerles causes, et voulant sortir de l'état pénible de l'étonnement, au lieud'avoir recours à mes principes, ont préféré les illusions de la méta­physique.C'est pour eux essentiellement que j'écris, qu'ils veuillent bien me lire sanspré­vention , et ils ne tarderont pas à reconnaître que tout estexplicable par des lois mécani­ques prises dans la nature, et que tous leseffets appartiennent aux modifications de la matière et du mouvement.

Je pense que j'aurai rempli cettetâche im­portante, si l'on trouve dans le cours de ce mémoire une solutionsatisfaisante aux ques­tions qui suivent, et dans lesquelles je crois avoirprévu les difficultés les plus épineuses.

1° Comment l'homme endormi peut-il ju­geret prévoir ses maladies, et même celles des autres?

2° Comment,indépendamment de toute instruction, peut-il indiquer les moyens les pluspropres à la guérison ?

3° Comment peut-il voir les objets lesplus éloignés, et pressentir les événemens?

4° Comment l'homme peut-il recevoirl'im­pression d'une autre volonté que la sienne?

5° Pourquoi l'homme n'est-il pastoujours doué de ces facultés?

6° Comment sont-elles susceptibles deper­fectibilité?

7° Pourquoi cet état est-il plusfréquent, et paraît-il être plus parfait depuis que l'on emploie lesprocédés du magnétisme animal?

8° Quels ont été les effets del'ignorance de ce phénomène, et quels sont-ils encore aujourd'hui ?

9° Quels sont les inconvéniensrésultans de l'abus qu'on en peut faire?

Pour que je puisse répondre àces ques­tions d'une manière précise, je crois devoir en faciliterl'intelligence et l'explication, par une exposition abrégée des principes géné­rauxpuisés dans ma théorie, principes dont quelques-uns sont déjà connus dulecteur.

L'univers estl'ensemble de toutes les par­ties co-existantes de la matière quiremplit l'espace. D'après cette idée il existe autant de matièreque l'espace peut en contenir, et elle est dans un état égal de continuité.Toutes les parties de la matière sont en repos ou enmouvement entre elles, par conséquent elles sont ou fluides ou solides (21).

La fluidité et la solidité doiventêtre consi­dérées comme un état relatif du mouvement et du repos desparticules entre elles; et dans ces relations seules se trouve la raisonde toutes les formes et propriétés possibles. Les solides supposent une figure,et les figures des interstices qui sont remplis de la matière moinssolide ou plus déliée; celle-ci, con­sistant dans de petites masses d'une formedéterminée, présente encore des interstices à une matière plusfluide. Ces divisions entre les insterstices et les fluides, ainsi qu'il a été dit, sesuccèdent par une sorte de gradation, jusqu'à la dernièredes subdivisions de la matière, que je nomme élémentaire ou primor­diale, celle-là est seule d'une fluidité absolue, et les interstices nesont plus occupés, puis­qu'il n'existe pas de matière plus subtile.

La mobilité de la matière étanten raison inverse de l'absence de la cohésion, cette mo­bilité doit répondreà sa subtilité : consé­quemment la plus fluide et la plus subtile doitêtre douée de la mobilité la plus émi­nente. Les trois ordres defluidité, qui tom­bent sous nos sens : l'eau, l'air et l'éther,nous confirment cette progression.

Il est nécessaire de se rappeler iciqu'il y a en­tre l'éther et la matière élémentaire, des séries dematières d'une fluidité graduée, capables de pénétrer et de remplir tousles interstices.

Chacun des trois fluides qui nous sontconnus est susceptible d'être le conducteur d'un mouvement particulierproportionné au de­gré de fluidité. L'eau , par exemple, peut re­cevoir lesmodifications de la chaleur. L'air, tous les mouvemens de vibration qui peuvent produire le son, l'harmonie et sesmodula­tions. L'éther en mouvement constitue la lumière même. Sesmodifications sont déter­minées par les formes, les surfaces, les rap­ports desdistances et des lieux. Outre cela, l'eau et l'air peuvent renfermer dans leursinterstices des particules d'une gravité spé­cifique analogue, et devenir ainsiles véhi­cules des corpuscules, qui, moyennant leur configuration, sontcapables de produire tels ou tels effets.

Placé au milieu de ces différensfluides, l'homme est doué d'organes auxquels abou­tissent les extrémités desnerfs en plus ou moins grande quantité ; ces nerfs sont plus ou moins exposésau contact des différens ordres de fluides, dont ils reçoivent lesimpressions. Quelques-uns de ces organes, tels que ceux du tact, du goûtet de l'odorat, reçoivent ces impressions par une application immédiate dela matière ou du mouvement; les autres, comme la vue et l'ouïe sontaffectées par la commotion des milieux, dont la cause peut êtreà toute distance. Ces organes sont appelés les sens ; leurstructure est telle, que chacun d'eux peut être affecté d'un ordre dematières à l'exclusion de toute autre.

L'œil offre au mouvement del'éther, par l'expansion du nerf optique, une surface unie, capable de recevoiret de retracer l'ensemble des formes, des figures, des couleurs et dessituations; et par sa structure composée de parties diaphanes et opaques, ilpeut empê­cher l'accès de toute autre substance fluide. L'oreilleprésente dans sa structure des parties distinctes, et tellement disposées,qu'elles répondent à toutes les proportions et à tous les degrésd'intensité du ton et du son.

Le tact éprouve au contraire toutesles nuances des résistances et des impressions des corps qui lui sontimmédiatement appliqués. Le goût est affecté par la figure desparticules qui, atténuées par le liquide, s'insinuent dans les pores que leurprésente la superficie de la membrane de cet organe, dont elles touchent lesextrémités nerveuses. L'organe de l'odorat reçoit de la mêmemanière l'impression, par la figure des corpuscules qui lui sontamenés et appliqués par l'air.

Cette variété de dispositions étaitnécessaire pourque, plongés dans un océan de fluides, nous pussions ne pas confondre, etdistin­guer même avec la plus grande justesse, les effets des différentesmatières, et les mouve­mens déterminés par les divers objets. Lastructure et le mécanisme particulier de cha­que organe ne les rendent ainsisusceptibles que d'une seule fonction.

Nous sommes donc par le nombre et lapropriété de chacun de nos sens, bornés à être en rapport avec lesseules combinai­sons et modifications de la matière, dont l'ordre estrelatif à notre conservation. Cette réflexion me porte à penserqu'il existe des animaux doués d'organes différens des nô­tres , et dont lesfacultés les mettent en rela­tion avec des matières d'un ordre différentde celles qui nous affectent.

Voilà ce que je puis dire deplus succinct, sur la diversité des effets produits à l'extré­mité desnerfs.

Il s'agit d'examiner actuellement cequi s'opère dans leur substance intime. Je n'y vois que des mouvemens,aussi variés que l'est l'ac­tion des différentes matières sur lessens externes.Mais nous n'avons point de mots qui puissent en exprimer toutes les nuances.Ces mouvemens ainsi modifiés, reçus d'abord à la superficie, sontpropagés vers un centre commun formé par la réunion et l'entrelace­ment desnerfs, dont les extrémités que nous appelons les sens, ne doiventêtre considérées que comme des prolongemens. Par cette réu­nion plusieursfois répétée dans l'organisation animale, ces mouvemens se mêlent, se con­fondent, se modifient. C'est cet ensemble qui constitue l'organe que j'appelle le sensinterne; ce qui en résulte est ce que nous appelons sensations. Cesmêmes mouvemens, ainsi com­muniqués aux muscles moteurs, déterminent lesactions.

Pour bien concevoir ce grandphénomène des sensations, il importe de réfléchir sur la fidélité et lajustesse avec laquelle se propagent et se répètent le son et lalumière; d'observer comment leurs rayons et leurs mouvemens les plusmultipliés et les plus combinés se croisent sans se détruire ni se confondre; ensorte que dans quelque point que se trouve placé l'œil ou l'oreille, cesorganes reçoivent avecexactitude le détail et l'ensemble des effets les plus compliqués.

J'ai dit qu'entre l'éther et lamatière élé­mentaire, il existait des séries de matière qui sesuccèdent en fluidité, et qui, par leur sub­tilité , peuvent pénétrer etremplir tous les interstices.

Parmi ces matières fluides, ilen est une essentiellement correspondante, et en conti­nuité avec celle quianime les nerfs du corps animal, et qui, se trouvant mêlée et con­fondueavec les différens ordres de fluides dont j'ai parlé, doit les accompagner, lespé­nétrer, et conséquemment participer de tous leurs mouvemens particuliers ;elle devient comme le conducteur direct et immédiat de tous les genres demodifications qu'éprou­vent les fluides destinés à faire impression surles sens externes, et tous ces effets appli­qués à la substancemême des nerfs sont ainsi rapportés à l'organe interne des sensa­tions.

On doit concevoir par cet aperçucomment il est possible que tout le système des nerfs devienne œilà l'égard des mouvemens qui représentent les couleurs, les formes, les fi­gures; oreilleà l'égard des mouvemens qui expriment les proportions desoscillations de l'air; et enfin les organes du tact, du goût, de l'odoratpour les mouvemens produits par le contact immédiat des formes, des figures.

C'est encore en réfléchissant sur laténuité et la mobilité de la matière, et l'exacte con­tiguité aveclaquelle elle remplit tout espace, qu'on peut concevoir qu'il n'arrive aucunmouvement ou déplacement dans ses moin­dres parties, qui ne réponde, àun certain degré, à toute l'étendue de l'univers (22).

On en conclura donc que, comme il n'ya ni être ni combinaison de matière, qui, par les rapports souslesquels ils existent avec l'ensemble, n'impriment un effet sur toute lamatière environnante, et sur le milieu dans lequel nous sommes plongés ;il s'ensuit que tout ce qui a une existence peut être senti, et que lescorps animés, se trouvant en con­tact avec toute la nature, ont la facultéd'être sensibles aux êtres comme aux événemens qui se succédent.

Indépendamment des impressions que lesobjets font sur nos sens, en raison de leurs figures et de leurs mouvemens,nous aper­cevons encore la sensation de l'ordre et des proportions quis'y trouvent. Cette sensation est exprimée par différentes dénominations selonles organes qui la reçoivent, tels le beau pour la vue, l'harmonieux pourl'ouïe, le doux pour le goût, le suave pour l'odoratet l'agréable pour le tact. A partir de ces points de comparaison, ilexiste une multi­tude de nuances qui s'éloignent plus ou moins de laperfection.

Nous sommes doués d'une faculté desentir dans l'harmonie universelle, les rapports que les èvènemens etles êtres ont avec notre con­servation. Cette faculté nous estcommune avec les autres animaux, quoique nous en fassions moins usage queceux-ci, parce que nous y substituons ce que nous appelons la raison, quidépend absolument des sens ex­ternes. Nous apercevons de même, par lesens interne, les proportions non-seulement des surfaces, mais encore de leurstructure intime ainsi que de leurs parties constitutives, et nous pouvonssaisir, soit l'accord, soit la dissonance que les substances ontavec notre organisation. Cette faculté est ce que nous devons nommer l'instinct: elle est d'autant plus parfaite, cette faculté, qu'elle est indé­pendantedes sens externes, qui, pour en jouir, ont besoin d'être rectifiés l'unpar l'autre, à cause de la différence de leur mécanisme.

C'est par l'extension ainsi expliquéede l'instinct, que l'homme endormi peut avoir l'intuition des maladies, etdistinguer parmi toutes les substances celles qui conviennent à saconservation et à sa guérison (23).

Je puis expliquer de la mêmemanière un fait qui paraîtra plus étonnant, la communi­cation de lavolonté : en effet cette communi­cation ne peut avoir lieu entre deuxindivi­dus , dans l'état ordinaire , que lorsque le mouvement résultant deleurs pensées, est propagé du centre aux organes de la voix et aux partiesservant à exprimer les signes na­turels ou de convention : ces mouvemenssont alors transmis à l'air ou à l'éther, comme milieuxintermédiaires, pour être reçus et sentis par les organes des sensexternes. Ces mêmes mouvemens ainsi modifiés par la peusée dans lecerveau et dans la substance des nerfs, étant communiqués en même tempsà la série d'un fluide subtil avec lequel cette substance des nerfs esten continuité, peuvent indépendamment et sans le concours de l'air et del'éther, s'étendre à des distances indéfi­nies et se rapporter immédiatementau sens interne d'un autre individu. On concevra par là comment lesvolontés de deux personnes peuvent se communiquer par leurs sens in­ternes :par conséquent, comment il peut exister une réciprocité, un accord, une sortede convention entre deux volontés, ce qu'on peut appeler êtreen rapport.

Il paraît sans doute plus difficiled'expli­quer comment il est possible d'avoir le senti­ment de faits quin'existent pas encore, ou d'autres entre lesquels il s'est écoulé de longsintervalles.

Essayons d'abord de rendre cette idéesen­sible par une comparaison prise dans l'état ordinaire. Placez un homme surune émi­nence d'où il découvre une rivière et un bateau qui ensuit le cours : il aperçoit du même coup d'œil, l'espace déjà parcouru par ce bateau, et celui qu'il vaparcourir. Étendez cette faible image d'un aperçu du passé et de l'avenir; envous rappelant que l'homme, étant par le sens interne en contact avec toute lanature, se trouve toujours placé de manière à sentirl'enchaînement des causes et des effets, vous comprendrez que voir le passén'est autre chose que sentir la cause par l'effet, et que prévoir l'avenir,c'est sentir l'effet par la cause, quelque distance que nous puissions supposerentre la première cause et le dernier effet.

D'ailleurs tout ce qui a été alaissé des traces quelconques; de même ce qui sera est déjàdéterminé par l'ensemble des causes qui doivent le réaliser : ce qui conduità l'idée que dans l'univers tout est présent, et que le passé etl'avenir ne sont que différentes rela­tions des parties entre elles.

Comme ce genre de sensations ne peuts'acquérir que par la médiation des fluides, qui sont aussi supérieurs ensubtilité à l'éther, que celui-ci peut l'être à l'aircommun; les expressions me manquent autant, que si je voulais expliquer lescouleurs par les sous: ilfaut y suppléer par les réflexions qu'on peut faire sur les pré-sensations constantesdes hommes et surtout des animaux dans les grands événemens de la natureà des distan­ces inaccessibles pour leurs organes apparens; surl'attrait irrésistible des oiseaux et des poissons pour des voyagespériodiques; et enfin sur tous les phénomènes relatifs que nous présentele sommeil critique de l'homme.

Mais pourquoi, dira-t-on, l'état dusommeil de l'homme est-il plus propre que celui de la veille à nousfournir ces exemples ?

Le sommeil naturel et parfait del'homme est l'état où les fonctions des sens sont sus­pendues;c'est-à-dire, où la continuité du sensorium commune avecles organes des sens externes est interrompue : il s'ensuit la ces­sation detoutes les fonctions, qui, médiate­ment ou immédiatement dépendent des sensexternes : comme l'imagination, la mémoire, les mouvemens volontaires desmuscles, des membres, la parole, etc. Lorsque l'homme est en sauté, ce sommeilest régulier et pério­dique.

Mais par une sorte d'irrégularité dansl'économie animale, et par différentes irrita­tions intérieures, il peutarriver que les fonc­tions qu'on nomme animales ne soient pas entièrementarrêtées, et que-certains mouve­mens des muscles, ainsi que l'usagede la parole soient entretenus chez l'homme endor­mi. Dans les deux états dusommeil, les im­pressions des matières ambiantes, ne se font pas sur lesorganes des sens externes, mais directement et immédiatement sur la substan­cemêmes des nerfs. Le sens interne devient ainsi le seul organe dessensations. Ces impres­sions se trouvant indépendantes des sens externes,elles deviennent alors sensibles par cela même qu'elles sont seules. Commela loi immuable des sensations est que la plus forte efface la plus faible,celle-ci peut être sensible dans l'absence d'une plus forte. Sil'impression des étoiles n'est pas sensible à notre vue pendant le jourcomme elle nous l'est pendant la nuit, quoique leur action soit la même,c'est qu'elle est alors effacée par l'im­pression supérieure de la présence dusoleil.

On peut dire que dans l'état de sommeil,l'homme sent ses rapports avec toute la nature. Comme nous ne pourrionsavoir aucune idée des connaissances de l'homme le plus instruit, s'il neparlait ou n'était pas entendu, je conviens qu'il serait difficile de persuaderl'existence de ce phénomène, s'il ne se trou­vait des individus qui,pendant leur sommeil et par l'effet d'une maladie ou d'une crise, conserventla faculté de nous rendre, tant par leurs actions que par leurs expressions, cequi se passe en eux.

Supposons pour un moment un peuplequi, à l'instar de quelques animaux, s'endorme nécessairement au coucherdu soleil, pour ne se réveiller qu'après son retour sur l'horizon: iln'aurait aucune idée du magnifique spectacle de la nuit, et croiraitl'existence des choses bornée aux objets sensibles pendant le jour. Si dans cetétat on apprenait à ce peuple, qu'il existe au milieu de lui des hommesen qui cet ordre habituel a été troublé par des causes de maladies, et quis'étant réveillés pendant la nuit, ont reconnu à des distances infiniesdes corps lumineux innombrables, et pour ainsi dire de nouveaux mondes; on lestraiterait sans doute comme les visionnaires, en raison de la prodigieusedifférence de leurs opinions. Tels sont cependant aujour­d'hui, aux yeux de lamultitude, ceux qui prétendent que dans le sommeil, l'homme a la facultéd'étendre ses sensations.

L'état de crise dont je parle étant intermé­diaireentre la veille et le sommeil parfait, il peut se rapprocher plus ou moinsde l'une ou de l'autre ; il est susceptible par là de divers degrés deperfection. Si cet état est plus près de la veille, il participe alorsde la mémoire et de l'imagination ; il éprouve les effets des sens externes :ces impressions se trouvant ainsi confondues avec celles du sens interne aupoint quelquefois de les dominer, elles ne peuvent être considérées dansce cas que comme des rê
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