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Expérience de la Terre jumelle L'expérience de la Terre jumelle est une expérience de pensée proposée par le philosophe américain Hilary Putnam en 1975 dans le cadre d'une réflexion sur le concept de signification. L'ambition de Putnam, à travers cette expérience de pensée, était de montrer que l’extension (ou référence, ou dénotation) d’un terme n’est pas déterminée entièrement par les états psychologiques du locuteur ("les significations ne sont pas dans la tête). Depuis, des philosophes, comme Tyler Burge par exemple, ont proposé différentes variantes de cette expérience. Description de l'expérience Putnam nous demande de supposer qu’il existe quelque part dans la Voie lactée une planète, nommée Terre-Jumelle, qui ressemble exactement à la Terre. Sur cette planète se trouvent même des locuteurs français. Il existe bien sûr quelques petites différences entre le français tel qu’il est parlé sur Terre-Jumelle et le français parlé sur la Terre. L’une de ces différences est liée à une particularité de Terre-Jumelle elle-même. Il se trouve que sur cette planète, le liquide appelé « eau » n’a pas pour composition chimique H2O mais une formule assez longue qui peut être abrégée en XYZ. XYZ ne présente aucune différence observable avec H2O, il est lui aussi un liquide inodore et incolore, que l’on trouve dans les rivières, les océans etc. Notons ici, en passant, qu’il n’est pas nécessaire que la différence ne soit pas observable, il suffit qu’elle n’ait jamais été observée. Imaginons maintenant qu’un voyageur terrien, après avoir enquêté sur Terre-Jumelle, effectué des prélèvements, et soumis ces prélèvements à des chimistes, revienne sur Terre. On peut imaginer qu’il ferait le rapport suivant : « Sur Terre-Jumelle, « eau » signifie XYZ ». Inversement, un voyageur Terre-Jumellien, après avoir enquêté sur Terre, effectué des prélèvements, et soumis ces prélèvements à des chimistes, revenant sur Terre-Jumelle, ferait probablement le rapport suivant : « Sur Terre, « eau » signifie H2O ». Remontons maintenant dans le temps, en 1750 par exemple, c’est-à-dire avant l’invention de la chimie moderne sur les deux planètes. Et intégrons au scénario deux nouveaux personnages : Oscar1, vivant sur Terre en 1750, et Oscar2, vivant sur Terre-Jumelle en 1750 aussi. On peut même supposer, si l’on veut, qu’Oscar1 et Oscar2, sont des doubles quasi-identiques, par l’apparence, les sentiments, la pensée, le monologue extérieur, etc. Aucun des deux ne sait que l’eau a pour extension H2O ou XYZ. Ils ont donc tous les deux les mêmes expériences et croyances à propos de l’eau. Ainsi, et si tant est que quelque chose comme un état mental étroit existe, alors il est, de même que leurs concepts, identique pour Oscar1 et pour Oscar2. Or, « l’extension du terme ‘eau’ sur Terre en 1750 était H2O, tout comme en 1950, et l’extension du terme ‘eau’ sur Terre-Jumelle en 1750 était XYZ, tout comme en 1950 ». On a donc deux individus ayant le même état psychologique qui, tout en utilisant le même terme, signifient deux choses différentes. Ainsi, les états mentaux étroits ne déterminent pas entièrement la signification au sens où il ne contribuent pas à la détermination de l’extension. Comme l’écrit Putnam : « les significations ne sont pas dans la tête ». Ce qui se passe dans la tête du locuteur ne suffit pas à déterminer la signification des mots. Conclusions et critiques Ainsi, selon Putnam, la signification des mots que nous utilisons n'est pas que dans la tête (meaning ain't in the head) et dépend de notre environnement, puisque cette expérience de pensée montre que les deux Oscar ne pensent pas à la même chose, alors qu'ils sont dans le même état de pensée ou même état psychologique. Cette posture intellectuelle, dans la lignée de Carnap, Frege ou Russell, s'appelle antipsychologisme et affirme que les significations ne sont pas dans la tête. Cette position issue de l'expérience de pensée de Putnam a bien entendu été critiquée, notamment sur l'identité des états mentaux : sont-ils exactement les mêmes ou s'agit-il seulement d'une simple parenté ? Une approche moins radicale que celle de Putnam pourrait conduire à une conclusion plus modérée : la connaissance d'un état psychologique ne permet pas de connaître (de déterminer) la signification du concept auquel se rattache cet état ; dans cette perspective, la signification resterait tout de même dans la tête.
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