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Y a pas à dire, le jargon de la musique électronique, c’est comme le Japonais : non seulement les termes semblent incompréhensibles, mais de plus, ils ont souvent plusieurs significations... Voici donc, à l’intention des néophytes, un petit lexique sans prétention qui devrait éclaircir les genres, sous-genres et autres terminologies d’un domaine fertile en néologismes! Réf : artistes se réclamant de chaque tendance. Labels : exemples d’étiquettes ayant marqué le genre. Acid jazz : Mouvement britannique issu de la fin des années 80 et qui se répandit dans le reste du monde au début des années 90, notamment grâce au succès de la formation US3. Essentiellement, il s’agit de pièces de jazz-funk à la Grant Green ou Lou Donaldson, sous lesquelles on appose une rythmique hip hop. Voir également Rare groove. Réf : Gilles Peterson, Incognito, Galliano. Labels : Acid Jazz, Talkin Loud. Acid house : Appellation tirée du titre Acid Trax de la formation Phuture (DJ Pierre). Terme né à Chicago en 1987, en référence aux sons acidulés du Roland 303 utilisés pour la première fois de façon significative sur Acid Trax. Notez que pour les Britanniques, le acid house englobait toutes les tendances musicales électroniques qui ont déferlé entre 1988 et 1991. Réf : DJ Pierre, Phuture, Hardfloor. Labels : Trax, Hardhouse. Ambiant : Comme son nom l’indique, il s’agit d’une musique d’atmosphère dont les racines peuvent être retracées chez certains musiciens des années 70 tels Brian Eno, Tangerine Dream ou Klaus Schulz – et même avant, dans la musique de Varèse, Stockhausen ou Debussy. Intégrée à la culture pop, elle s’est définie comme un courant à part de la musique électronique des années 90 (voir chill). Caractérisée par de longs brouillages sonores (avec ou sans rythme), plus consistants et complexes que le new-age…Réf : Mixmaster Morris, Global Communication. Label : Rising High. Big beat : Genre apparu au milieu des années 90, principalement à Brighton (sud de l’Angleterre), grâce à Fatboy Slim et ses collègues du Big Beat Boutique. Arrivé comme un retour à un acid house plus rigide, le big beat se caractérise par son alliage entre le house et le hip hop, avec ses breakbeats lourds, très dynamiques et malheureusement souvent superficiels. De la musique de party. Réf : Fatboy Slim, Propellerheads, Chemical Brothers. Labels : Skint, Bolshi, Wall of Sound Breakbeat : Littéralement : « contretemps ». D’abord identifié au début des années 70, le « break » est la portion d’une chanson funk (ou jazz) où la musique coupe pour laisser place à la seule section rythmique. Les DJ hip hop (Kool Herc le premier) ont pensé n’utiliser que les breaks de chaque chanson et les faire jouer à la suite; le hip hop est ainsi né, tout comme le breakbeat ! La côte extraite du jazz et du funk pour créer le big beat, le hip hop, le drum & bass… Broken beat : Terme inventé par un journaliste japonais en 1999. Suite logique de l’acid-jazz, le broken beat amalgame le house downtempo (au tempo lent), les breakbeats et les influences jazz, latinos, brésiliennes… Réf : Jazzanova, Rainer Truby, IG Culture.Labels : Compost, Sonar Kollektiv. Chill : Version techno de la musique ambiante, typique de la période 90-94 de l’éclosion électronique anglaise. Par ailleurs, l’un des attibuts des raves : traditionnellement, une pièce – le chill room - était dédiée à la détente, et l’on y jouait de la musique ambiante. Cristallisée par la formation KLF qui, en 1991, pondit l’album classique Chill Out avec, sur sa pochette, des moutons se prélassant dans un pré… Disco : Bien que tous sachent ce qu’est le disco, une distinction importante doit être faite. Le disco a connu deux époques : avant et après Saturday Night Fever (1978). Avant : musique entendue dans les discothèques, incluant le funk, le jazz, l’afro, le hip hop, le soul, le r&b et même certains titres de rock (« The Mexican », de Babe Ruth, fut un hit du disco underground). Après : défini comme un genre, coulé dans un moule si commercial qu’il coura à sa perte et occasionna nombre de mises à pied dans les multinationales du disque… Drum & Bass : voir jungle Dub : mère de toutes les tendances de la culture électronique, dérivée du reggae, accidentellement découverte par le producteur King Tubby et développée au maximum par Lee Scratch Perry. Premier exemple du remix, le dub est également reconnu comme un qualificatif; prenez un titre house, enlevez-y l’essentiel des paroles, ajoutez beaucoup de basses et quelques effets de studio (échos), vous avez une version dub. Électro : Né en 1981 avec la pièce « Planet Rock » du DJ new-yorkais Afrika Bambaata. Fusion entre le hip hop et le techno, caractérisé par un rythme frénétique, plus rigide que le hip hop, et une basse très ponctuée. L’électro, qui a influencé les géniteurs du techno, a connu un retour en 1997 après avoir marqué la production hip hop entre 1981 et 1985 (comme LL Cool J). Réf : Afrika Bambaata, DMX Crew. Label : Warp Gabba : Genre dérivé du hardcore anglais qui s’est développé principalement dans les Pays-Bas (Gabba signifierait « mon pote » en scandinave). Du techno à 200 BPM (beats par minute). Garage : Nom tiré du fameux Paradise Garage, mythique club disco new-yorkais de Larry Levan. Comme pour le disco, le garage serait le genre de house apprécié à New-York : beaucoup de plages vocales, inspirées par le gospel, le soul, le r&b… Le genre est toutefois né au New Jersey avec Tony Humphrey. Les Anglais l’ont récupéré en le renommant génériquement UK Garage, puis speed-garage (voir 2-Step).Réf : Tony Humphrey, Roy Davis Jr. Ghetto-tech : Dernier-né de la lexicologie techno. Genre né en l’an 2000 à Détroit, d’abord inspiré par le style du DJ Jeff Mills (techno rapidement mixé). Il s’agit d’un savant alliage de techno rigide de Détroit, d’électro, de hip hop à la 2 Live Crew et de Miami bass (le genre de musique qui s’écoute l’été dans une auto…). Rythmes souvent très rapides et frénétiques, lourdes basses, sur lesquels des rappeurs débitent des insanités. Réf : DJ Assault Goa : voir trance Hardcore : À partir de la première explosion acid-house anglaise (le Summer of Love de 1988), un pan de la musique électronique a pris une tangente agressive (notamment à cause de la piètre qualité des drogues disponibles sur le marché dès 1989). Du hardcore est né le jungle et le gabba. House : Né à Chicago en 1986 grâce à Frankie Knuckles. Littéralement « house music », ou musique entendue au Warehouse, club mythique de Chicago où officiait Knuckles. Comme le disco, mais réalisé à l’aide des premières boîtes à rythme disponibles (la 808 et la 909 de Roland). Inclut le tech-house, deep house, latin house, hard house… Réf et labels : y en a trop! Intelligent techno : Après le Summer of Love, les Anglais ont raffiné l’usage des boîtes à rythmes et des séquenceurs. Largement interprété, il s’agit de musique électronique dont la fonction principale n’est pas de faire danser. Réf : Aphex Twin, U-ziq, Squarepusher, Autechre. Label : Warp, Planet U. Jungle : Style apparu en 1992, dérivé du hardcore. Caractérisé par une utilisation abusive du breakbeat, très rapide et lourd, et d’influences reggae-reggae-dub. En 1993, LTJ Bukem et A Guy Called Gerald (ex-808 State) enlevèrent du poids aux rythmes, leur conférant ainsi un aspect plus planant, plus ambiant, quelquefois métissé de jazz : ainsi est né le drum & bass. Réf : Goldie, LTJ Bukem, Photek, Grooverider. Labels : Moving Shadow, Metalheadz, Ram Recordings. Minimal : Adjectif généralement apposé au terme techno. Directement issu de la tradition de Détroit, le minimalisme (qui a tout de même assez peu à voir avec la définition des théoriciens de la musique concrète et électroacoustique) se remarque dans la rythmique dépouillée et les ambiances hypnotiques qu’on y insère. Revenu en force grâce aux producteurs allemands. Réf : Plastikman. Labels : Chain Reaction, Plus 8. Rare groove : Genre musical populaire dès les années 60 en Angleterre (le son Noroît Soul), vogue musicale et sociale qu’on pourrait qualifier de prototype de la mode rave. Essentiellement, d’obscures chansons soul, funk ou r&b américaines (puis copiées par les Anglais), d’où le qualificatif de « rare ». Source inépuisable d’échantillons pour les producteurs de musique contemporaine, toutes allégeances confondues. Rave : Terme tiré du verbe « to rave », c’est-à-dire raconter, colporter. En Angleterre, les premières fêtes clandestines (dès 1988) qui s’organisaient en catimini dans des entrepôts désaffectés (warehouse, voir house) et comptaient sur le bouche-à-oreille pour faire leur publicité. De ce point de vue, puisque les « raves » d’aujourd’hui sont hautement commercialisés et médiatisés, il est juste de dire que le terme est obsolète… Techno : Né en 1988 à Détroit. La meilleure définition demeure celle d’un de ses pères, Kevin Saunderson : « Le techno, c’est comme si George Clinton et Kraftwerk étaient coincés dans un ascenseur avec une boîte à rythme ». Le but, selon ses géniteurs (fortement influencés par l’esthétique d’Arthur C. Clarke et Fritz Lang), était de faire paraître l’âme des machines. Réf : Juan Atkins, Kevin Saunderson, Derrick May, Jeff Mills. Labels : Transmat, Underground Resistance. Trance : Branche du techno caractérisée par un tempo rapide et des ambiances planantes, voire hypnotiques, et par une progression dans la dynamique de la musique. Lorsque plus chargé et psychédélique, on le qualifie de « goa » (du nom de l’ancienne colonie portugaise sur la côte ouest de l’Inde, escale chérie par les hippies, récupérée par les technophiles qui y organisent d’interminables fêtes). Les Allemands en ont fait une spécialité dès le début des années 90. Aujourd’hui, on assiste à un retour du trance, en version édulcorée (aux tempos et ambiances similaires au house progressif).Réf : Sven Vath, Paul Oakenfold, Nuclear Ramjet. Labels : Hardhouse, Dragonfly. Trip hop : Terme inventé par un journaliste du Mixmag en 1995, en parlant de Tricky. Défini un genre de hip hop-pop tissé de dub, de jazz et de breakbeat typiquement anglais. Un peu comme la vision britannique du hip hop. Aujourd’hui, si le terme demeure encore utilisé, il fait surtout référence à une période (mi-90) de la production hip hop anglaise. 2-Step : L’un des derniers-nés de la lexicologie techno. En remontant la filière garage anglaise, on rencontre 1- le U.K. garage, 2- le speed garage (1997) puis 3- le 2-Step. Il s’agit d’une forme de house marquée par un type de production inspirée du drum & bass : influences soul et r&b du garage (chanté), une touche de ragga-reggae, un tempo house muni de breakbeats et de lignes de basses piquées au drum & bass. Plus raffiné que son prédécesseur (le speed-garage), le 2-step cherche encore sa voie entre le hip hop, le r&b, le breakbeat et le house. Réf : MJ Cole, Wookie, Artful Dodger. Labels : Talkin Loud, Locked. En conclusion, vous remarquerez que tous ces genres finissent par s’influencer entre eux, comme lorsqu’il est question de tech-house, house progressif, deep house, minimal house et tutti quanti. De cette façon, chaque terme ne renvoie pas précisément à un style défini. Il circonscrit plutôt le style à son époque (comme on dit du trip-hop qu’il appartient aux années 90, ou que le broken beat n’est rien d’autre que du jazz latin des années 70 sous lequel on a apposé un breakbeat, un rythme house…). Bref, il est surtout utile de connaître ces définitions pour mieux reconnaître et apprivoiser les nouveaux styles qui sont présentement en gestation dans les milieux underground...
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