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Title:Casse-tête
Posted On:2007-06-26 21:33:57
Posted By:» SpiraLE.T
Views:1894
1-
Lorsque je suis entré chez moi, elle était là, jonchée sur le sol, au centre de la pièce, la gueule ouverte. Un mince filet de salive translucide coulait le long de ses lèvres pour finalement se perdre dans l’immensité du sol. Je m’approchai lentement, attiré par son corps dénué de vie. Je m’agenouillai près d’elle et humectai par bouffée la fraîcheur de sa mort. Une large tache de sang séché s’écaillait sur son front et dans ses cheveux. Je plongeai mon regard dans ses yeux vides et sans éclats. Je la parcourai ensuite d’un œil attentif. Son corps était blanc comme la neige, ses seins étaient majestueusement nus au cœur de sa poitrine. Je sentais une pureté s’émaner de son corps. Elle semblait si insaisissable dans sa douceur cadavérique.

Je m’assis sur le fauteuil et la contempla quelques instants qui parurent durée une éternité. Je n’avais plus l’impression de respirer, de vivre, d’existé, perdu au travers du chaos de ces minutes qui me pesaient et menaçaient la perpétuité du moment. Je ressentis soudain, au fond de mon corps rabougri par la solitude, une sorte de pulsion animale. En vue de l’assouvir, je laissai ma main longer mon corps et glisser sournoisement dans mon pantalon. Elle s’agita d’elle même lentement, puis plus rapidement avec une cadence hâtive et bestiale. Les yeux ronds, je jouissait calmement, je frémissais amèrement. Une esquisse de sourire déformé par la fatigue, la démence et l’isolation se dessina sur mon visage de mousses et de poussières.
Progressivement, je sentis un malin plaisir s’emparer de moi et me ronger de l’intérieur.

2-
J’ai les deux yeux grand ouverts au milieu de la pénombre. Je suis seul avec ce grand corps qui fourmille d’acariens. J’entends; les craquements des planchers voisins, les crissements de pneus lointains. Tout est si fort dans mes oreilles, mes tympans vibrent d’absurdité. J’ai des sueurs froides d’insomnies et de jours gris. CLACK! Une porte se referme avec émoi et s’élance dans mon crâne lessivé. J’ai la migraine incurable de mon vécu. Assis sur le rebord de mon lit, la tête entre les deux mains, je n’en peux plus. D’un pas chancelant, tel un ivre mort, je parcours à tâtons mon appartement, trébuchant à quelques reprises sur divers objets composant mon capharnaüm.

Je suis face au miroir de glace, j’aperçois faiblement le scintillement de mes pupilles dans l’obscurité. J’ouvre la lumière et le rideau tombe;
Je suis un étranger qui se tient devant moi. Je suis un corps disloqué d’incertitudes. J’arpente avec hésitement* ce visage livide d’infamiliarité**. Je n’arrive pas à me rendre compte… les yeux écarquillés, je plaque mes mains sur ce visage rugueux. Je le palpe, j’essai de le redécouvrir pour une seconde fois, peut être, ou pour la millième. Je sens l’angoisse qui s’empare de tout mon corps et qui se dresse en un long tremblement me déchirant de ma nuque jusqu'à mes orteils. Je ne sais plus qui est en face de moi et qui me dévisage. J’explose.

ATTENDS! Une minute! Laisse-moi reprendre mon souffle, mon poux bas à cent mille à l’heure! Depuis combien de temps est-ce que je me laisse ainsi voguer à la dérive d’une telle incohérence? Quand ai-je commencé à m’oublier? Je vis je le sais mais… je penses, je bouges, je respire mais je n’arrive pas à me souvenir. Je n’arrive pas à me convaincre que ce morceau de chair m’appartient. Je suis une page blanche polycopier des nombres de fois. Je suis une feuille chiffonnée et piétinée par le présent. Je n’existe plus en dehors de cette image incongru. Comment ai-je pu oublier? À cette minute précise de clarté, ai-je commencé à exister ou tout simplement cessé…
J’avale des comprimés de codéines, je dois sortir, je dois me prouver mon existence.

3-
Je suis assis sur le fauteuil. Les hauts-parleur gueulent une chanson de David Bowie. Je hoche la tête au rythme de la musique démente en calant mon verre d’absinthe. Il y a cette fille, vêtue d’une robe roulante et alléchante, à l’haleine hideuse de cigarettes qui se dandine au son de la musique. Elle me regarde l’œil en coin, le sourire aux lèvres. Elle rejette sa tignasse vers l’arrière en s’esclaffant.

Je viens la rejoindre. J’ai le vertige mais je suis trop soûl pour m’en préoccuper. Elle est dos à moi, j’enlace son ventre de mes mains qui lui balaient le corps. Je l’embrasse dans le cou, elle sent bon. Je danse avec elle, je me perds dans les mouvements de son corps indéfinissable. Je me perds dans ses rires ridicules et dans la cacophonie de la musique. Je me perds dans mes pensées, je ne fais plus qu’un avec la matière, avec cette fille, avec ce qui m’entoure. Je tourbillonne dans ce chaos d’images. Je ris, je ris, je m’esclaffe. Tout est si illuminant autour de moi, tout est si étourdissant, je ne peux plus m’empêcher de sourire.
Je suis rassasié.

4-
Je suis assis dans la cuisine. Par la fenêtre, s’écrasent dans le hurlement du vent, de gros flocons de neige d’un hiver aride. Le matin est entrain de se lever, illuminant le ciel dur et froid. Je frissonne légèrement, sous mes pieds, le sol est glacial. J’agite doucement mes orteils engourdis. Je me sens loin, je me sens seul. Je sens ma gorge sèche au milieu de ma léthargie.

Nonchalamment, je me lève et me dirige vers le robinet que j’ouvre d’un coup sec. Je me penche et lape le mince filet d’eau froide. Je relève la tête lentement et observe par la fenêtre les premiers rayons de soleil pénétrer avec fougue dans mon appartement, les premiers passants qui se rendent épuisés à leur boulot, j’observe le calme de l’hiver, le silence de la neige.

Je referme le robinet et m’éloigne. J’erre quelques instants dans la cuisine, le regard vide, comme une épave à la recherche de son âme. Je me sens si absent entre le jour et la nuit, entre la vie et la mort. Le soleil est si froid caché derrière son épais masque de nuages, perdu au fond de son hiver qui nous rends tous fous. Une étrange mélancolie, un peu noire, m’anime l’esprit.
J’ai pourtant encore si soif.

5-
Le cadran indique 03h46. Je suis dans une voiture noire aux allures sports. L’intérieur est gris et spacieux, les sièges sentent bon le cuir. Il y a une odeur de muscade qui flotte dans l’air. Sûrement l’odeur d’une femme, d’une très jolie femme. Je souris à cette pensée. De la main droite, je lâche le volant et attrape une des cassettes éparpillées sur la banquette du passager; Alanis Morissette. Je la rejette en arrière et en agrippe une autre; Van Halen. D’un mouvement brusque, je l’enfonce dans le stéréo qui s’empresse vivement de la gober. J’augmente le volume, la musique joue maintenant à tue-tête.

Par le pare-brise, j’aperçois une jolie demoiselle au coin de la rue, qui attends avec ses belles jambes. Je ralentis et ouvre la fenêtre. Elle s’adresse à moi avec un sourire. Je balai du revers de la main les cassettes et l’invite à monter. Elle ouvre la portière et s’assieds. J’appui sur l’accélérateur.
Nous sommes déjà loin.

6-
Je suis étendu dans une pièce inconfortable qui sent l’urine séché et la poussière. J’ouvre les yeux et la lumière des néons blancs, m’aveuglent. Je balai du regard la pièce. Elle est blanche dans son entier. Il n’y a aucune fenêtre et aucun meuble. Je sens comme une drill qui me transperce le crâne. J’ai un haut le cœur. Je tente d’ouvrir la bouche pour parler mais les muscles de mon corps sont atrophiés. J’ai la bouche pâteuse et molle.

Tout va au ralentit. J’ai de plus en plus de difficultés à évaluer les proportions de la pièce. Mes idées se bousculent dans une confusion totale. J’essaie avec peine de me relever mais ma tête est lourde et bourdonne. Je me recouche péniblement. Ma vision s’embrouille. Je n’insiste pas.
Je referme les yeux.

7-
Mes mains sont entrain de la dénudé. J’arrache son soutient-gorge qui dévoile une poitrine abondante. Je suis ravi. Elle me sourit et enroule ses bras autour de mon cou. Je la repousse vivement, dégoûté. Son visage me paraît soudainement grotesque et vulgaire. Elle m’embrasse, rit et me lèche le cou. Je lui assimile un coup sec de pour enfin la faire taire. Elle recule, déstabilisée et bafouille une insulte perdu entre une voix rauque et inquiète. Je la retourne dans sa confusion et lui retire sa petite culotte. Elle se débat grossièrement et je suis contraint à la maîtriser à grands coups de claques. Elle pousse d’hideux cris qui durcissent ma queue, presque inévitablement.

Sans préavis, sèchement, je lui enfonce mon pénis dans son anus. Elle gémit, je recommence. J’adore ça, je veux la posséder complètement. Je jubile à l’idée de contrôler son corps de peau lisse et de chaire ferme. Je l’entends pleurer et me prier de cesser. C’est tout ce qui me manquait! Je suis puissant, je fais tout ce que je veux. Elle veut que j’arrête, mais je ne peux pas, je suis un fou animer par la démence, ronger par la violence. Je me déchaîne, va et vient encore et encore.

Elle me supplie d’arrêter. Je la retourne et la frappe intensément avant de recommencer mon petit manège. De plus en plus excité, par ses cris, ses pleurs et mes idées inadmissibles, je finis par éjaculer le flot de ma laideur. Je me retire et la regarde, bosselée, apeurée et cassée, perdu dans sa torpeur. Elle ne comprends ce qui se passe, pourquoi est-ce que je la regarde? Pourquoi m’acharner sur les lueurs éteintes de ses yeux?

Je lui empoigne soudainement les cheveux et lui fait rebondir le crâne sur le sol. Un épais file de sang coule le long de son front. Je me jette sur elle question de l’achever. Avec une fureur narcissique, j’enroule mes mains autour de sa gorge. Elle panique, ses yeux vibrent et ruissellent de peur. Elle essaie de respirer avec force, mais je ne relâche pas mon étreinte. Elle s’étouffe, elle crève doucement. Ses yeux roulent au fond de ses paupières.
Elle rends un dernier souffle bien mérité.

8-
Je cours, je cours. Je dois partir loin, je dois m’enfuir, ne plus laisser de trace. Changer d’identité, me fondre parmi la foule, me perdre dans l’immensité du monde. Devenir un grain de sable, un fantôme, un caméléon. Disparaître, ne plus jamais revenir, je dois… je m’arrête à bout de souffle. À demi recroquevillé, je réfléchis. Pourquoi courir? Pour quel raison ai-je besoin de m’enfuir? De quoi est-ce que je me sauve, de quoi j’ai peur?

Je fis demi-tour et rentra chez moi.

*ça n’a aucun bon sens que ça n’existe pas, franchement.
**un mot sortit de ma tête et entièrement personnel

2004/2005
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