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Title:Conquête du monde ou invasions des cents pieds
Posted On:2007-06-26 21:28:36
Posted By:» SpiraLE.T
Views:1904
Dans un petit patelin du Maine, appelé affectueusement Manchourie, régnait une atmosphère hostile.
Pat, le président de ville de la ville, s’inquiétait légèrement de la tournure que prenaient les conséquences de leurs décisions de fusion contrôlée de Jonquière. En effet, les Indiens revendiquaient sans arrêt leurs droits syndicaux dans l’industrie des matières textiles. Depuis la fusion, plus moyen d’exploiter les artistes de Jonquière en paix, il fallait maintenant leur donner
des conditions de travail adéquates, des congés payés, des horaires flexibles, des salaires raisonnables. « Merde, se dit au fond de lui-même Pat. Mais où l’on dérive ainsi? Vers le socialisme! Cela n’a aucun sapristi de bon sens. Le commerce va tomber, mais que vont devenir les bureaucrates japonais qui investissent si grandement leur richesse dans notre belle nation? Que va- t-il arriver au rêve de nos citoyens, de nous voir monter à la tête du libre-échange? Il faut remédier à la situation! » Sur ces quelques mots, le président de ville de la ville quitta sa
chaise berçante pour faire quelques téléphones importants. « Peu importe, mon cher Gyx, j’ai besoin et j’exige immédiatement la tête raccourcie de tous les syndicalistes québécois qui influencent notre nation, et qui mettent en péril l’avenir économique. Il faut tuer le bourgeon avant qu’il
n’ait éclos. » Sur ce, Pat raccrocha lentement le combiné. Une petite esquisse de sourire se dissimulait sur ses joues grasses. Il posa ses mains patiemment sur son gros ventre dodu pendant que des milliers de ses semblables crevaient dans leur maigreur. Plus que cinq minutes avant que la chienne de secrétaire ne vienne lui faire une pipe. Il avait un horaire très chargé.

Pour Gyx, rien n’avait plus d’importance à ses yeux que son travail. Lorsqu’on lui parlait de raccourcir, il pouvait y avoir sa mère qui brûlait dans son condo à Toronto, que rien ne changeait à sa besogne. Gyx était une crapule dégénérée. Il vivait dans un demi sous-sol mal famé, un petit deux et demi de la rue fabre. Il y logeait avec un affreux mille-pattes, haut de dix cm et long d’à peu près trente, qui se nourrissait exclusivement de poissons d’argent qui, heureusement, se trouvaient en abondance dans son appartement humide et crasseux. Gyx s’amusait souvent à le nommer Racaille. Il lui disait : « Hey! sale Racaille, t’as pas fini de jouer avec mes rideaux! » et il éclatait de rire. Le premier jour qu’il l’avait aperçu, il était mort de dégoût. Il s’était rendu le plus
rapidement possible au dépanneur le plus près pour se munir des armes d’extermination nécessaires, c’est-à-dire de la poudre anti-scutigères à prix modique. Avant de l’essayer sur le mille-pattes, pour s’assurer qu’elle était bonne, il l’avait goûtée. Sur une table, il s’était fait une ligne de
la petite poudre jaune qui dégageait une forte odeur de désinfectant, puis l’avait reniflé d’un coup sec. Il était agréablement surpris de constater une telle finesse dans le produit. Si bien qu’il s’en était fait immédiatement une deuxième ligne. L’euphorie l’avait gagné, pris de légers soubresauts, il avait basculé de sa chaise pour s’écraser de rire. Après avoir repris ses esprits, il s’était fait ami avec le mille-pattes. Ce matin-là, le président de ville de la ville lui avait téléphoné pour une mission. Gyx était vraiment excité; il devait raccourcir les syndicats
québécois de Jonquière. « Racaille! Hurla-t-il, Racaille! » Le petit cent pieds vint, docile.
«Écoute, Racaille, je vais devoir m’absenter quelque temps, aussi, je voudrais que tu prennes la maison en charge jusqu’à mon retour. » Le Racaille se gonfla d’ego que Gyx accepte de lui laisser
la charge de la maison. Il jura de s’en occuper. Gyx partit donc la conscience tranquille. Il fit un rapide saut au petit dépanneur paki se faire des provisions de sa drogue favorite. Puis, il démarra
dans sa Chevette brune 1978, il quitta Montréal avec le coucher de soleil.

Pendant ce temps, à Jonquière, des manifestants amérindiens revendiquaient leurs droits de travail. «On veut des horaires convenables! On n’en peut plus de se faire exploiter! » Le président de ville de la ville de Jonquière, Pitt, qui regardait la télédiffusion de ce qui se passait sur le canal TVA, était sous le choc. Il avait entendu dire que son collègue Pat avait mis sur pied un plan stratégique pour les disperser. Mais cela faisait bientôt deux semaines, il ne pouvait plus attendre, ces contestataires sauvages à peau rouge retardaient la production. On ne pouvait plus laisser le commerce voguer à sa perte. Il appela les autorités policières et leur donna le feu vert.

Marcus Mordicus était le dirigeant de la division policière de Jonquière. Il laissa flotter la décision du président quelques instants afin d’enfin savourer son moment de gloire. Bientôt, il
renverserait les hauts dirigeants avec son armée de terre et conquerrait le monde! Il sortit le plan TOP SECRET de son classeur en mélanine et en lut quelques lignes. « En cas de rébellion des citoyens, faire comme si de rien n’était et exécuter votre travail. » Il en prit bonne note et fit
entrer ses hommes de confiance. Il leur fit part des ordres à suivre, et que bientôt, ils régneraient sur le monde. Salivant, jubilant, les yeux ronds, gros comme des 25 cents, ils rejoignirent l’escouade. Le chef leur annonça qu’ils allaient bientôt changer de quartier général et
qu’ils s’installeraient au Walt-Mart le plus près. Ils préparèrent leur combinaison, leur gaz lacrymogène, leur matraque, leurs grenades et tout le tralala. L’équipe entière adorait les
émeutes. « Ramener le calme après la tempête », pouvait-on lire sur leur gilet pare-balles. Bientôt, en rang, ils se mirent à défiler dans la rue, maîtrisant les passants surexcités et progressant à chaque minute plus près de leur but.

Gyx avait ouvert toute grande la fenêtre et le vent ébouriffait ses cheveux dans tous les sens. Il écoutait du Joël Denis en fumant des clops et chantait à tue-tête le YaYa Party. Parfois, il s’arrêtait au bord de la route pour sniffer un peu et boire une tisane à la camomille et il repartait de bon train. Cela faisait maintenant six heures qu’il conduisait et cinq fois qu’il écoutait recto verso sa cassette de Joël. Il en avait marre, il lança donc sa cassette par la fenêtre et se rangea sur le côté. Il n’eut aucune difficulté à sombrer dans un profond sommeil où
il rêva de mille-pattes géants attaquant des japonais avec des harpons.

Le lendemain, Gyx découvrit, par le biais de la presse à scandale, qu’on lui avait volé la vedette. En première page, Marcus était posé avec l’escouade en action et le titre disait : «Sauvés par les autorités policières.» L’article comprenait également des témoignages chocs de plusieurs citoyens de l’âge d’or. Gyx bouillait de rage, il s’empressa d’appeler le président de ville de la ville de Manchourie pour lui donner «un char de marde». «Ça n’était pas supposé se passer de même! Pourquoi
avez-vous fait appel à ces plouks? Vous allez le regretter!» Sur ce, Gyx raccrocha la ligne au nez de Pat avec un plan de vengeance complètement débile.

Dans le quartier général du Walt-Mart, Marcus et ses collègues arrosaient bien leur victoire. Soudain, Marcus fit baisser les voix et proclama un discours : «Aujourd’hui, mes amis, nous avons vaincu l’ennemi. Demain, ce sera plus pénible encore, il faudra redoubler d’efforts, d’assurance et de stratégies, car demain, ce ne seront plus de simples récalcitrants, demain ce sera le monde entier contre lequel nous nous battrons! Qui est avec moi?» Un grand cri unanime retentit
alors dans le magasin à rayons, mais quelques personnes se taisaient, sachant bien la défaite prématurée qui toucherait le commissaire Marcus Mordicus.

Ce matin-là, très tôt, on entendit clamer à nouveau des insoumis dans les rues de Jonquière. Ils se
mobilisaient par centaines au beau milieu de la rue, empêchant les autres travailleurs de se rendre au boulot. Leur marche s’agrandissait de minute en minute, criant haut et fort de leur voix : « À bas la discrimination. » Qui avait déclenché ce cataclysme? Gyx sans nul autre doute. Ce dernier
regardait le spectacle en souriant. Il décrocha le combiné de téléphone et, de sa chambre d’hôtel, composa un numéro à n’en plus finir.
- Dring, dring, dring.
- Hello? répondit une voix peu commune.
- Oui bonjour, entama Gyx, je voudrais vous informer, à titre anonyme, que la nation dans laquelle
vous investissez si grandement est menacée par des revendicateurs de la pire espèce.
- Que voulez-vous dire?
- Qu’il s’agit là, sans aucun doute, d’un complot des contribuables à votre égard. Ne soyez pas surpris d’apprendre qu’ils ont déjà commencé à se fusionner au Canada pour mieux vous déclarer la guerre.
- Quoi! Mais de quoi parlez-vous?
- Lorsque vous investissez dans notre nation, ne croyez pas que cet argent sert à garantir de meilleurs services aux ambassadeurs étrangers tels que vous. Détrompez-vous, il sert à des fins militaires. Vous vous faites berner.
Sur ce, Gyx raccrocha, satisfait.
Comme on dit, il suffisait d’allumer la
«flammèche».

Quelques jours s’étaient écoulés depuis le coup fumant de Gyx, il avait conclu qu’il valait mieux rester dans les parages afin d’avoir un bref aperçu de ce qui allait ensuite arriver. Il avait eu vent, par un indic, qu’il se tramait un complot au sein de la communauté et voulant tuer le temps, il décida de s’y infiltrer. C’est ce matin-là, qu’au poste, Gyx tenta de se faire enrôler dans
l’escouade anti-émeute. Avec un faux nom et de fausses références très convaincantes, il n’eut aucun
problème à se faire admettre. Il prêta serment et ensuite, on l’invita à prendre place dans la voiture de patrouille. Le chauffeur du véhicule longea plusieurs rangs avant de se garer dans le stationnement du Walt-Mart. Ils entrèrent ensuite à l’intérieur et prirent place dans ce qui semblait être une assemblée. Marcus Mordicus était sur l’estrade et proclamait un discours. Gyx lâcha un juron lorsqu’il l’aperçut. Marcus fit baisser les voix et avec calme dit : « La nuit
dernière, j’ai fait un rêve troublant. Nous marchions sur Jonquière, sur le Québec et sur le Canada et nous vainquions! Oui mes amis, nous vainquions! Camarades, je ne vous cacherai pas que ce sera une rude épreuve, que nous subirons d’énormes pertes, mais il faut regarder devant, droit devant vers notre futur, car nous sommes forts, nous sommes grands et puissants! Demain, ce sera un grand
jour, il faut se reposer. Demain nous passons au plan TOP SECRET! » Des cris de joie fusèrent de toutes parts. Gyx était abasourdi de la nouvelle farfelue et se mit en tête de gâcher le plan. Il se leva discrètement et se mit à la recherche d’un téléphone afin de passer quelques coups de fils.
Il téléphona chez lui pour avoir des nouvelles de Racaille et de la maison. Racaille ne répondit pas à l’appel et Gyx fronça les sourcils d’inquiétude.

Il était quatre heures AM et l’orifice nasal de Racaille reniflait le bord de la 175 à la recherche d’une odeur commune. Mais où allait-il? Qui, désormais, s’occupait de la maison? Tant de questions et si peu de réponses…

Inventez votre propre faim (fin).

Mais en gros, Racaille arriva à Jonquière et, tout en étant à la recherche de Gyx, il tomba sur
Marcus Mordicus. Marcus, un entomologiste depuis toujours, voulut le prendre pour l’étudier. Ce premier le piqua, lui déversant ainsi un poison obnubilant dans les veines. Marcus, qui marchait déjà sur Jonquière, devint donc sous l’emprise de Racaille et s’en fit un gourou. Les autres policiers durent passer aussi tour à tour à la piqûre afin de ressentir toutes les joies de vénérer les cent pieds. Entre-temps, le Japon déclara la guerre à l’Amérique du Nord à la plus grande satisfaction de Gyx. Les autorités policières du Québec entier ainsi qu’une partie de l’Ontario se joignirent aux troupes de Marcus maintenant manipulées par Racaille et ses semblables. Ils conquirent ainsi les deux provinces, se rapprochant dangereusement de leur but. Les Japonais profitèrent de la crise au Canada pour exécuter un débarquement en Colombie-Britannique. L’armée policière, plus concentrée dans leur lutte en Ontario, ne les vit pas venir. C’est en Saskatchewan que les nippons et les pros cent pieds se firent front pendant plus de six mois.

Pendant ce temps, Racaille étudiait afin de mettre la main sur une arme de destruction massive. Il découvrit le 11 mai 2008 une formule secrète appelée TGRI. Il en fit usage sur lui-même et ses amis mille pattes, ils mutèrent tous sans aucune exception. L’armée de scutigères aidée par les autorités policières, leurs esclaves qui menaient le combat depuis le début, eut rapidement l’avantage. C’est à ce moment que les japonais connurent une défaite phénoménale, plus de huit cent milles victimes, sans par ailleurs abandonner la bataille. La circonscription eut d’ailleurs lieu au Japon en juillet 2008.

Les japonais eurent vent, par un dénommé Gyx, que les scolopendres avaient une faiblesse : les harpons. C’est lors de la célèbre bataille des plaines de Davidson, en Saskatchewan, que les japonais utilisèrent leur nouvelle arme sur leur ennemi, les cent pieds. Ces harpons géants détruisaient littéralement les carapaces venimeuses des cent pieds, les éclaboussant ici et là d’un jus largement acide.

Gyx entrevit le 22 septembre 2008, presque deux ans après le début des soulèvements, son ami Racaille entrain de déguster un nippon. Racaille reconnut immédiatement l’odeur de son petit coquin d’ami vénéré. Ce dernier s’élança pour le chatouiller affectueusement de ses poils rudes et dégoulinants de substances aqueuses et gluantes. Gyx recula en voyant son ami approcher. Racaille, vexé, lui fit de gros yeux. C’est alors que les médiateurs arrivèrent de toutes parts et entreprirent de leur faire une thérapie. Gyx expliqua à Racaille qu’il s’était senti trahi par lui lorsqu’il l’avait vu se ranger du côté de Marcus Mordicus. Racaille lui dit qu’il avait dû suivre son instinct de mégalomane qui le rongeait dans son profond intérieur, il fallait impérativement
qu’il conquit le monde et Marcus n’était qu’opportunité. En toute bonne foi, ils firent la paix au grand bonheur des médiateurs. Ils conclurent une entente et signèrent un traité. Par la suite, ils exécutèrent les clauses du pacte : ils assassinèrent Marcus Mordicus, ils mirent fin à la guerre
et ils rentrèrent au bercail.

Un an plus tard, Racaille fut heureux de se voir remettre le prix Nobel pour la découverte du TGRI. Un certain Michael Pressman revendique encore cette découverte volée et le Nobel décerné.
Faim

2004/2005
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