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LE RÉSEAU NATURE-INCONSCIENT-HOMME Inconscient collectif Le chaman voyage dans un autre monde pour révéler aux hommes ce qui leur était inaccessible ; cet univers sombre, impénétrable n’est-il pas tout simplement une représentation symbolique de l’inconscient ? Son travail consiste à intercéder entre homme, esprits, objets/lieux sacrés. N’est-ce pas apparenté à la psychanalyse qui permet une sorte de voyage entre l’individu, l’inconscient, les symboles ? Certains psychanalystes reconnaissent les limites actuelles de leurs théories en constatant des cas pathologiques qui ne peuvent s’expliquer par l’interprétation de l’inconscient du seul patient. Ils souffrent de troubles surprenants, dont on ne comprend l’origine qu’au prix d’une recherche généalogique. On découvre souvent qu’un aïeul a subi un traumatisme, ignoré du patient. La pathologie du patient est l’écho de cet ancien événement. Un non-dit aurait donc été transmis à travers plusieurs générations. Si l’on remplace les mots traumatisme originel, ou non-dit, par “ esprit ”, on arrivera à l’interprétation qu’aurait fait un chaman de cette pathologie. Plus globalement, la nuée de symboles, de souvenirs d’ancêtres, de non-dits propres à un groupe et à son environnement de base constitue un réseau. Ce réseau est au coeur de l’inconscient collectif. Dans un autre espace sémantique, on pourrait parler d’une nuée d’ “ esprits ” rattachés aux ancêtres, aux légendes, aux objets ou lieux sacrés, rattachés à un clan, à la nature dans laquelle il vit, à ses mythes. Sans la connaissance de ces mythes, sans l’imprégnation culturelle qu’ils sous entendent le chaman n’aura pas de pouvoir ; l’inconscient collectif sera trop dilué. Le passage entre des cultures qui n’ont pas les mêmes mythes est donc une affaire de longue haleine. Mythes Éthymologiquement, Mythos est rattaché à la notion de Mot dans son usage symbolique (par opposition à Logos qui se réfère au langage rationnel). Les mythes actualisent une structure symbolique préexistante. Cette structure est le miroir de l’Homme dans sa Nature. Inversement, on pourrait dire que la Nature et ses lieux sacrés est la table des matières du mythe. Les mythes sont des rêves collectifs (Joseph Campbell), c’est-à-dire des intrusions dans l’inconscient collectif. Comme les Rites, ils sont répétitifs – ce qui permet l’apprentissage, mais aussi la fascination, la déconnexion, donc le voyage intérieur. Un enfant qui écoute une épopée, même à moitié endormi, comme je l’ai vu dans la toundra, absorbe mythe. Nous parlons de sociétés, loin de nos systèmes de protection et d’assurance sociale, où la plus mince erreur est payée de mort. De même que le travail du rêve pour l’individu, le travail du mythe protège le groupe des tensions et des angoisses de mort et de désintégration physique et psychique. Des chercheurs ont osé faire un dessin de l’électron tournant autour d’un noyau, alors qu’on ne peut pas voir l’électron ni le localiser autrement que dans des formules de probabilité. Ils ont d’ailleurs ainsi décrit l’atome, que l’on croyait insécable et que l’on sait maintenant constitué de protons de neutrons eux mêmes formés de quarks, etc. Un schéma même imparfait permet de communiquer l’état des recherches et sert d’étape pour les faire avancer. De même on peut proposer aux chercheurs concernés par l’inconscient ou par cet aspect des spiritualités d’utiliser une imagerie commune, basée sur le schéma qui suit. Puisse le dialogue entre tous en devenir plus fructueux. Les agrégats de pensée sont des symboles, des non-dits, des complexes, ou des souvenirs de certains ancêtres. Ils constitueraient les noeuds de réseaux entremêlés. 1. Au premier niveau, dans un groupe culturel donné se situent les inconscients de chaque individu. Ils forment des réseaux individuels qui se développent par l’interaction entre les individus eux-mêmes, et par les relations entre individus et environnement. 2. L’environnement peut porter un certain nombre de ces noeuds : au niveau de base il y a le Temps, Passé, Présent, Vie, Mort, Sexe… On peut ensuite parler des éléments fondamentaux de la nature : Air, Terre, Feu, Eau… Pour arriver à de multiples autres facteurs naturels : végétaux, animaux…, alimentation, repos, santé. Par dessus viennent s’ajouter des éléments de l’environnement hors Nature. 3. La relation entre tous les inconscients individuels et ce réseau environnemental aboutit à la formation des Mythes. Ces Mythes sont eux-mêmes les noeuds du réseau de l’inconscient collectif propre au groupe culturel. Entre les inconscients, ou nuées d’agrégats de pensée circulent des informations le plus souvent inconscientes. Le chaman, le marabout, etc, auraient la possibilité de traduire ces informations dans l’univers conscient. Le chaman a de plus la capacité de voyager entre le réseau Inconscient Collectif, le réseau Environnemental et les réseaux Individuels. INÉVITABLE TRANSCULTURALITÉ La vie contemporaine s’insinue dans tous les univers. De tout temps les cultures ont subi des métissages, et ont évolué. Mais actuellement ces transformations se font à une toute autre vitesse: l’avènement de la civilisation de communication s’est fait en quelques décades, alors que les civilisations se sont développées, ont muté, se sont croisées sur des échelles de milliers d’année. Le temps d’imprégnation dont parlait le chaman de Iakoutie n’existe pratiquement plus. Les inconscients collectifs sont déstructurés ou bien focalisés sur de minuscules domaines de l’humain. Les grandes parades Techno sont un exemple de rituel collectif actuel, mais dont la dimension humaine est infime. Modernisme chez les chamans : On peut observer une résurgence des chamans chez les peuples qui les avaient perdus il y a une ou deux générations. Les fondements traditionnels de ces cultures laissent envisager une évolution progressive sans trop de déperdition. La naissance d’un “ chamanisme urbain ”, par exemple à Ulan Udé, ou en Mongolie àUlaanBaatar ne signifie pas forcément une rupture avec les esprits de la Nature ni des Ancêtres. Une couche supplémentaire de symboles, complexes, etc, viennent simplement se rajouter. Il reste néammoins le risque que la culture et la force du chaman se dispersent ou se diluent. Par contre le renouveau de certaines pratiques plus anciennes dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler “ New Age ”, laisse plutôt penser à une récupération, qui pourrait devenir problématique. Il y a divergence entre les fondements symboliques et mythiques du chaman et de son environnement et surtout divergence avec la culture de ses adeptes, rapidement “ initiés ”. Inculquer en occident des esprits de bison, d’antilope, est absurde, puisque notre univers s’appuie sur d’autres mythes construits autour des taureaux, des oies, etc…et surtout parce qu’il faut maintenant tenir compte des “ esprits ” des temps modernes, comme l’emploi, la carrière… Il suffit de revenir aux exemples présentés dans le paragraphe sur l’hétérogénéité culturelle, pour comprendre que les patients ou adeptes sont en danger (faux repères, symbolisme en porte-à-faux, déprogrammation,dépendance …), et le chaman aussi (mégalomanie,…). Il y a aussi abus du mot “ initiation ” : nous avons vu qu’il n’y a souvent aucune initiation concrète pour les chamans de Sibérie, et en tout cas aucune “ initiation ” de ses patients. Il s’agit en fait d’imprégnation comme nous l’avons déjà répété. Pour un étranger au groupe culturel, il faut passer par une transculturation de longue durée qui implique non seulement l’individu mais au moins une partie de sa lignée (prédisposition de ses ancêtres pour cette culture) et de son environnement humain. RECHERCHES Les premières manifestations religieuses de l'humain sont souvent comparées aux croyances chamaniques, dont le berceau est en Sibérie et en Mongolie. En parcourant ces espaces immenses, aux conditions de vie extrêmement variées, habités par des centaines de peuples différents, on est frappé par la remarquable homogénéité de tous les chamanismes rencontrés: totalement opposée au foisonnement des spiritualités, en Afrique et en Amérique. On semble être ici très proche d'un phénomène fondateur de l'humain, transversal aux cultures. · Confirmation par les Études neurosensorielles du Neuro-chirurghien et professeur Tadié : projet d’observation d’activité extra-sensorielles grâce aux analyses en temps réel des activités du cerveau par résonance magnétique. Actes du VIIIème Congrès de l’Association pour la Recherche InterCulturelle (ARIC), Université de Genève – 24-28 septembre 2001 sur le site : http://www.unige.ch/fapse/SSE/groups/aric. Y. Benoît, Le réseau Nature-Inconscient-Homme 7 2. Études sur la transculturalité , par le test de Rorschach : confirmation du panachage d’invariants humain et de spécificités culturelles (Hélène Salaün de Kertanguy). Comparer avec un langage commun les pratiques à mi-chemin entre religion, magie et psychanalyse, liant esprits et inconscient à des fins thérapeutiques. Le schéma de réseau décrit dans cet article pourrait servir de base. · Approfondir les techniques de voyage éveillé dans l'inconscient. Mon but était moins d'observer que de ressentir. Les Scientifiques du futur auront-ils cette tournure d’esprit ? Ressentir la nature qui les héberge, ressentir leur harmonie culturelle et matérielle avec cet environnement, et ressentir ce qui émanait de leurs chamans, lorsqu'il m'était donné de les rencontrer. C'est ensuite seulement que l'on peut déceler les processus inconscients qui ont interagit entre l'observateur _moi-même_ et entre tous ces acteurs. On est alors sur la voie d'une approche plus globale du réseau inextricable qui se tisse entre ces hommes, la nature et leur psychisme. Réseau sur lequel se construisent leur culture et leurs particularismes, réseau dont dépend leur survie, réseau où leurs chamans trouvent le chemin des esprits qui guérissent… Réseau dont nos civilisations ont souvent perdu les fils directeurs… Actes du VIIIème Congrès de l’Association pour la Recherche InterCulturelle (ARIC), Université de Genève – 24-28 septembre 2001 sur le site : http://www.unige.ch/fapse/SSE/groups/aric. Y. Benoît, Le réseau Nature-Inconscient-Homme 8 ANNEXE Incroyable diversité - Paradoxale Unité Réflexions sur le Chamanisme, vu de notre monde moderne : Les Chamans sont des praticiens des techniques de l'extase ; ils peuvent ainsi voyager au pays des esprits, obtenir d'eux des informations, puis ramener à l’univers de ses compatriotes les moyens de comprendre et résoudre certains de leurs problèmes. OÙ VIVENT-ILS ? Ces pratiques viendraient d'Asie Centrale ou de la région des Samoyèdes. Quant au mot “ chaman ” communément adopté, il serait d'origine Toungouze, plein centre de la Sibérie. On retrouve des “ chamans ” dans presque toute la Sibérie, même si le terme traditionnel employé localement est tout autre : Dans ce presque-continent, on compte près de 250 peuples avec de fortes différences culturelles. Les chamans sont aussi présents en Chine du Nord, en Mongolie, en Corée… Malgré d’incroyables diversités géographiques et culturelles, on est confronté paradoxalement à une profonde homogénéité des fondements mystiques et pratiques de tous ces chamanismes. Par la suite, lorsque l’accès à la Sibérie est devenue difficile, certains ethnologues se sont tournés vers d’autres rites indigènes en Amérique du Nord, en Australie, etc ; et ils ont repris l'appellation “ chamanisme ” pour les dénommer. Ces rites n’ont souvent que peu de points communs avec ceux d’Asie. Enfin le mot est aussi utilisé dans des pratiques contemporaines New Age du monde occidental : s’agit-il de résurgences d’anciens “ sorciers ” de nos campagnes profondes ou d’animateurs de groupes peu scrupuleux, qui profitent du phénomène de mode, d'attrait de l'exotisme, et de dissolution des valeurs occidentales? Il s’agit alors d’appellation non contrôlées données par de mauvais génies du Marketing. DEPUIS QUAND EXISTENT-ILS ? Ces pratiques remontent à au moins 40 000 ans, certains disent 150 000…On trouve des pierres taillées portant des inscriptions chamaniques (Iar Salé au grand Nord …), ou des gravures sur les murs des grottes (Oulan Oudé vers la Mongolie…). Depuis la fin du XIXème des ethnologues prédisent leur disparition; ils ont été attaqués et parfois massacrés par le Stalinisme; mais ils sont encore présents, voire en plein renouveau. On trouve des chamans qui ont été complètement insérés dans le système médical actuel (pénurie de médecin ou intégration des cultures enracinées ?). 2 HAMAYON Roberte , Société d'Ethnologie 1990, La chasse à l'âme ELIADE Mircea , Payot 1968 , Le chamanisme VAZEILLES Danielle , Cerf 1991 , Les Chamanes HOPPAL Mihaly , Budapaest Akademiai Kiado1992 , Northrn Religions and shamanism CHAMANS ORIGINELS ET CHAMANS MODERNES2 Actes du VIIIème Congrès de l’Association pour la Recherche InterCulturelle (ARIC), Université de Genève – 24-28 septembre 2001 sur le site : http://www.unige.ch/fapse/SSE/groups/aric. Y. Benoît, Le réseau Nature-Inconscient-Homme 9 Le Chamanisme moderne est foisonnant. Quand il est lié à des racines culturelles anciennes, il peut être fondé. Mais dans les autres cas, le doute est permis. Par contre il est sûr qu’il y a eu des charlatans à toutes les époques. QUE FONT-ILS ? Leurs activités sont : -Voyage dans les mondes d'en haut et dans les mondes d'en bas (souvent 7 ou 9 niveaux vers le haut et vers le bas) -Communication avec les esprits ( esprits des anciens, esprits de la nature, esprits du monde d'en haut, esprits du monde d'en bas , dieux) Puis, grâce à cela :( du plus simple , au plus évolué pratiqué seulement par certains chamans ) -Psychologie -Lecture des rêves -Prédiction (du temps, de la chasse, des événements humains),prophétie -Psychopompe (accompagnement des morts au pays des esprits) -Télépathie -Rituels pour réaliser un événement (individu ou tribu) -Guérison d'un malade grâce aux informations données par les esprits Contrairement aux préjugés : -Le chaman n'a pas toujours le pouvoir religieux -Il a rarement du pouvoir politique direct -Il n'utilise des drogues que chez certains peuples. Elles ne sont pas une nécessité -Il vit souvent grâce à une activité autre (chasse élevage…) -Ses pratiques chamaniques ne suffisent pas à le faire vivre COMMENT AGISSENT-ILS ? Le chaman vit et travaille toujours dans et avec son clan. Il ne pourrait pas s’occuper ni trop fréquenter d’étrangers. S’il sortait de son milieu, ses influences risqueraient d’être dénaturées, voire dangereuses pour ses patients comme pour lui même. Chez certains peuples, le chaman est désigné par un autre chaman ; chez d’autres sa charge est héréditaire. Mais le plus souvent il le sent lui-même. Le don sacré du chaman lui est “ révélé ” à la suite d'une grave maladie, qui le fait délirer pendant une semaine à 9 jours. Souvent le futur chaman rechigne à reconnaître sa vraie nature pendant plusieurs années. Ses activités de Chaman prennent du temps et beaucoup d’énergie ( danse, transe, concentration du voyage), et ne lui rapporte que des cadeaux. Qui s’occupera de son troupeau, ou de chasser pour sa famille ? L'apprentissage intervient ensuite soit par un vieux chaman, soit par certains anciens soit uniquement par les rêves, de façon innée. La pratique : Le chaman revêt le manteau chamanique, portant un grand nombre de rubans ou pièces de métal et clochettes qui symbolisent les esprits ou guérisons pratiqués ; il porte aussi souvent 1 ou 2 gros disques métalliques, miroirs, ou soleils ; le chaman met éventuellement une couronne. Son visage est souvent voilé. Il porte éventuellement un sceptre. Autour de lui sont disposés ses objets sacrés, ou ses fétiches. Actes du VIIIème Congrès de l’Association pour la Recherche InterCulturelle (ARIC), Université de Genève – 24-28 septembre 2001 sur le site : http://www.unige.ch/fapse/SSE/groups/aric. Y. Benoît, Le réseau Nature-Inconscient-Homme 10 Il frappe sur un tambourin plat, le boubienn , chante et éventuellement danse .Il entre alors en transe, simplement sous l’effet des vibrations lancinantes du tambour ou de ses propres chants, ou dans l’abandon à l’hystérie de sa danse. Les hallucinogènes sont peu utilisés en Sibérie ou en Mongolie ; ils ne font pas du tout partie d’éléments nécessaires à la cérémonie, comme certains occidentaux voudraient le croire. Étymologiquement, le mot “ transe ” signifie peur. Cette peur est l’émotion qui déstabilise le chaman pour le lancer dans son voyage. Le chaman en joue aussi vis-à-vis de ses patients : elle facilite les transferts, l’intrusion dans l’inconscient de l’autre, la pérennité des influences. Elle pousse aussi le patient à se prendre en charge, car il n’a pas toujours envie de répéter cette expérience effrayante avec le chaman. Il va rencontrer les esprits et discute avec eux pendant sa transe. Ce n’est pas Dieu ou ses esprits qui descendent vers les hommes, mais le chaman qui va parler aux esprits qui parlent à Dieu. Il sort de transe (à la différence des médiums) et revient donner la réponse des esprits. Il révèle aux hommes ce qui leur était caché, inaccessible : leur inconscient et ses liens avec les autres inconscients collectifs ? Il effectue alors certains rituels dont en particulier les rites de guérison. SUR QUOI S’APPUIENT-ILS ? Les Mythes : Il est difficile de cerner les fondements du chamanisme au travers des seuls enseignements que reçoit le chaman, car il s’agit d’un don sacré, ou d’initiations par les rêves. Il faut prendre en compte tout l’univers naturel et humain du clan, dans sa dimension historique, c’est-à-dire tous les mythes du clan. Les mythes sont les archives sacrées, hors du temps, grâce auxquelles un peuple conserve et entretient géographie, histoire, sociologie, culture. Les mythes sont même l’outil répétitif et patiné qui aide à surmonter les peurs existentielles, les tensions et angoisses de mort et de désintégrations psychologiques et physiques. Joseph Campbell dit que le rêve est un mythe privé, alors que le mythe est un rêve collectif. Leurs fonctions vis-à-vis des inconscients individuels et collectifs sont donc parallèles. Le mythe est répétitif et évolutif comme le rite : il actualise une structure symbolique préexistante. Séparation-Initiation-Retour, cest le cycle de la révélation du chaman, le cycle de son rituel de passage, aussi bien que le cycle de l’homme qui part voyager dans son inconscient au cours de son sommeil. Parfois les enfants s’endorment pendant que le grand père raconte une de ses interminables épopées. Cela n’a pas d’importance puisque le souvenir se gravera au cours des multiples autres occasions qu’il aura de réécouter la même histoire. Et puis peut être son inconscient enregistre-t-il l’histoire pendant qu’il rêve ? La Nature Dans ces régions, la tradition est le plus souvent orale, mais elle conserve pourtant un Livre Ouvert : c’est le Territoire et la Nature qui environnent le chaman : dans ce livre tous les noms des sites, animaux ou objets sacrés évoquent chacuns un mythe, une épopée concernant les esprits… Les éléments fondamentaux, eau, terre, feu, etc, sont bien sûr liés à des esprits essentiels ; par dérivation, une rivière, un petit lac, ou une minuscule proéminence au milieu de la toundra feront aussi référence à d’autres esprits ou héros. La nature n’est pas seulement un “ index ” des esprits. C’est aussi le cadre permanent où l’on mesure l’impact de ses actes face au défi de la vie, ou plutôt de la survie : - on trouvera son chemin dans une tempêtes de neige de la toundra, en regardant l’orientation des brins d’herbes givrés par rapport au vent ; Actes du VIIIème Congrès de l’Association pour la Recherche InterCulturelle (ARIC), Université de Genève – 24-28 septembre 2001 sur le site : http://www.unige.ch/fapse/SSE/groups/aric. Y. Benoît, Le réseau Nature-Inconscient-Homme 11 - autre exemple, le bon chasseur saura observer un vol de corbeau pour le guider vers des charognes, et donc vers le territoire d’un prédateur. ( Le corbeau est l’image d’un bon esprit, dans ces cultures, contrairement aux nôtres). Au-delà des actes quotidiens, les relations sociales subissent aussi le jugement de la Nature : si chacun n’assume pas son rôle, si un conflit surgit, une caravane prise dans la tempête peut aller à la catastrophe. Par contre ce jugement de la Nature n’implique pas de concept de Bien ou de Mal. Les mythes sont parfois remplis de paradoxes, où un “ bon ” héros peut parfois commettre des atrocités, puis vanter les mérites du respect de l’autre… Les pratiques “ superstitieuses ” Chacun a incorporé dans son comportement quotidien un grand nombre d’actions rituelles, qui peuvent sembler proches de superstitions. chez les Nénets, la porte de la tente sera tournée vers l’ouest. Du coté opposé on appuiera sur la tente un traîneau sacré. À l’intérieur, le feu, la réserve d’eau, la place des invités ont des positions rituelles. Un poteau sacré, portant de 7 à 9 encoches, sert aux esprits à descendre du ciel pour accéder à la terre. On ne boira jamais sans verser avec son doigt une goutte vers le sol, et parfois vers les quatre points cardinaux. Particulièrement chez les Mongols, il ne faut jamais saluer quelqu’un au dessus du pas de la porte de la tente. Les Objets et Lieux sacrés : En parallèle à ces pratiques, on voit l’importance attribuée à certains objets sacrés. Cela peut être des objets communs, ou des fétiches spécialement réalisés pour les esprits de la famille ou du chaman. Enfin les lieux sacrés sont plus ou moins sommairement marqués : un simple pieux planté fans le sol, ou une paire de patins d’un vieux traîneau sacré orientés d’Est en Ouest, très souvent des rubans fixés sur le pieu ou sur un arbre, s’il y en a un. Dans la toundra des lieux importants seront marqués par un empilement de cornes de rennes. Chacun vient en ces lieux, à sa convenance. Il fera toujours une offrande, même très modique ( un peigne, un vieux couteau inutile, etc) et tournera autour dans le sens du soleil. Les Mondes des Esprits Il peut y avoir des centaines d’esprits, soit au ciel, soit sous-terrain. Selon les cultures, on distingue de 7 à 9 niveaux dans chacun de ces mondes. Les rôles et positions de ces esprits s’entremêlent, et contrairement à nos habitudes, les esprits du Haut ne sont pas toujours “ bons ” pas plus que ceux du Bas ne sont “ mauvais ”. Le chaman voyage dans ces mondes, mais le commun des mortels ne voit leur manifestation que dans ces lieux ou objets sacrés, ou dans les évenements. En résumé, le chamanisme, anarchie de la Nature, ne couvre pas de dogme, ni de concept de bien ou de mal, ni même de justice. C’est sans doute pour cette raison qu’il n’est pas un instrument de pouvoir matériel. Le chaman ne devient pas nécessairement un chef religieux ni un chef politique, bien qu’il ait une influence certaine sur son clan. Actes du VIIIème Congrès de l’Association pour la Recherche InterCulturelle (ARIC), Université de Genève – 24-28 septembre 2001 sur le site : http://www.unige.ch/fapse/SSE/groups/aric. Y. Benoît, Le réseau Nature-Inconscient-Homme 12 Tous les chamans ne savent pas tout faire, et leurs pratiques sont extrêmement diverses mais les chamanismes de toutes ces centaines de peuples s'inscrivent étonnamment dans le cadre qui a été décrit ici. Le chamanisme est peut-être la manifestation d’une tendance intrinsèque de l’humain au mysticisme, quand il est confronté au contact direct avec les forces de la nature. A l’opposé il convient de se méfier de la fascination maladive exercée par les parasciences ou les superstitions, sur des populations qui auraient perdu le lien avec leurs racines naturelle. 1. Des étymologies riches de sens : Le mot Chaman communément adopté serait originaire du, plein centre de la Sibérie. - Toungouze, (famille Altaïque, voisin Mandchou, voisin Mongole).(Sergieï Starostin) - Transe, Extase. 2. Des interprétations sous influences : - Transe, Extase (bis). - Sexe- Bisexualité. (James Georges Frazer, Mircea Eliade : Tchouktches Kamchadales, Koryaks. Hippocrates : provient de la position assise continuelle à cheval !). - Sorcier, Médium, guérisseurs, Medecine-man - "Chamanisme" hors Asie centrale septentrionale. Le terme "Chaman" a été repris par certains ethnologues pour dénommer des pratiques similaires en Amérique du Nord. Il est aussi utilisé par des animateurs de groupes peu scrupuleux à des fins de marketing, pour profiter du phénomène de mode et d'attrait de l'exotisme. 3. L'image du Chaman et son don sacré : - Initiation, rôle mystique, position sociale, rôle de la crainte. 4. L'enracinement culturel et le symbolisme local : - Mythes et symboles, lieux sacrés, objets ou êtres sacrés, rituels. - Musique, danse et Rythme. 5. Les Esprits du Ciel et de la Terre: Ni Bien Ni Mal : - Rituels du quotidien ou superstition. - Lieux sacrés. - Rituels à la Nature, Commémorations. - Rituels intérieurs. Chamanismes modernes : 1. Les vrais Chamans modernes de Sibérie. Kondakov à Iakoutsk, Nadia Stepanova à Ulaan Udé, 2. Le danger Transculturel : - Divergence des fondements symboliques et mythiques au travers des cultures. - Risque pour le patient, risque pour le Chaman. 3. Le pamphlet du Livre Rouge : - Mélanges pseudo-moraux: pot-pourri de Vérités et de préceptes cachant une intention. - Mélanges pseudo-scientifiques : (Jean Charon: L'esprit cet inconnu). - La fascination maladive pour les para sciences et les dépendances. 4. Le "Chamanisme" à l'occidental - New Age : Appellation non contrôlée, donnée par des génies du marketing. - Le "chaman" Inca en Autriche (Juan Camargo : Yachay). - Le "chaman" Belge en France. - Les sectes et les ministères : ( Premier Ministre :Mission Interministérielle de lutte contre les sectes). Usurpation du chamanisme. Le gourou coupe, le religieux "relie". 5. Les "Chamans" contemporains, cela existe : - Dans nos campagnes : Thierry Piras. Yvon Bailly - magnétiseur - Travail commun avec la médecine (INED,en Ouzbékistan, clinique à Ulaan Udé). SCIENCES et CHAMANISME : 1. Études Biologiques: - Sandra Harner. Immunological effects of shamanic drummings. - IRM Professeur Tadié. - Phéromones (Alan Hirsch : Smell and Taste treatment Fundation). - Psychoneuroimmunology (Ader, Benson, Larry Dossey). 2. Études du Psychisme : - Éthno-psychiatrie (Jean Mélon : La personnalité des Voyants). (Erving Goffman: Le Cadre de l'Expérience - la trame de l'ordre ambiant). - Transgénérationnel : (Anne Ancelin Schützenberger : Aïe mes Aïeux p127). - Patrick Fermi/Geza Roheim : Culture Arc-en-ciel ? - Deveureux : Complémentarisme 3. Mon Hypothèse, Le réseau Nature-Inconscient-Homme : 3.1 Les Esprits, éléments du non-conscient individuel et collectif: - (M.Winkelman : Shamanism as Neurotheology and Evolutionary Psychology) - La tendance intrinsèque de l'homme au mysticisme. - L'arbre des esprits - Vers une structure moléculaire de l'inconscient ? 3.2 Une recherche prudente - Approfondir les techniques de voyage éveillé dans l'inconscient - Décortiquer les analogies et les oppositions des structures inconscientes au travers des cultures. - Comparer avec un langage commun les pratiques à mi-chemin entre religion, magie et psychanalyse, liant esprits et inconscient à des fins thérapeutiques ...
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